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Le - Alcoolisé, il avait menacé les gendarmes avec une hachette

TRIBUNAL DE CHALON – Alcoolisé, il avait menacé les gendarmes avec une hachette

Il pénètre dans le box et s’y assoit. Pas content. D’une manière générale les gens ne sont jamais contents d’être ainsi tenus prisonniers pour être jugés, mais lui, il semble particulièrement mécontent. Il vit à Chenôves, sa compagne vit dans un village pas très loin. A l’image d’un statut Facebook, sa vie de couple est « compliquée » mais il n’a pas Facebook, il ne sait ni lire ni écrire. Il a 47 ans. Il y a des vies, comme ça, surdéterminées par une cause élémentaire.

En matière judiciaire où tout repose sur l’écrit y compris l’oralité des débats, un homme comme lui n’a de prise sur rien, l’écart entre lui et les autres est incommensurable, sans exagérer. Lui, le judiciaire, il s’y frotte souvent depuis ses 20 ans. Au départ, des vols et « des faits liés aux stupéfiants ». En 2011, catastrophe : « violence avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner », il est jugé aux Assises et condamné à 13 ans de réclusion criminelle. Puis on observe une sorte de retour à l’ordinaire : refus d’obtempérer, conduite malgré annulation de son permis, violences sur conjoint, refus d’obtempérer, violences, menaces, violences, dégradations, refus d’obtempérer, conduite sans permis.

Outrages et menaces, hachette en main

En février dernier, il se trouvait chez sa compagne et ils se sont disputés, ils avaient bu aussi, c’était une sorte d’ordinaire. Mais « en voyant arriver les gendarmes dans trois voitures, juste parce que j’avais gueulé, j’ai eu peur qu’on me mette en prison pour rien ». A-t-il alors vaguement, confusément, décidé d’y aller pour quelque chose ? « Les gendarmes, je vous connais, vous êtes tous des enculés et vous faites les marioles », « je vais vous faire tomber par-dessus la terrasse, je vais vous éclater la tête, je vais vous exploser ». Il brandissait une hachette à l’appui de ses dires, alors il est parti en garde à vue. Lors de son défèrement le procureur de la République lui propose un contrôle judiciaire sous réserve qu’il soit renforcé d’un suivi particulier, dans le dispositif AIR*, bordé d’obligations et d’interdictions dont celle de ne plus mettre les pieds dans le village où vit sa compagne.

On lui donne un traitement « pour me calmer »

Il est allé dans le village. Son contrôle judiciaire est révoqué, il est incarcéré le 22 juillet. Le 3 septembre, il fait une demande de remise en liberté que le tribunal examine ce lundi 9 septembre. Ce qui l’agite ? Son appartement, ses chats, ses enfants. « J’ai peur de me retrouver SDF », « j’ai trois chats, je ne veux pas qu’ils aillent à la SPA », « mes enfants me manquent et je leur manque aussi ». Ils sont tous majeurs et ne laissent pas tomber leur père, vont le voir au centre pénitentiaire, mais c’est pas pareil, c’est sûr. On lui donne un traitement « pour me calmer ». Quant à l’alcool, il avait bien levé le pied pour moins lever le coude, mais il concède avoir « un problème ». En détention il voit une psychologue, et « dehors aussi, je me fais suivre ».

« On lui a imposé le dispositif AIR », c’était ça ou « 18 mois de prison »

Sobrement, Christel Benedetti, substitut du procureur, expose que l’appartement n’est pas un motif « pour vous remettre en liberté ». Elle estime que vu la peine encourue lors de son jugement prévu le 3 octobre prochain, les garanties de présentation ne sont pas assurées. Maître Faure-Révillet a quelques raisons de penser que son client sera maintenu en détention, mais elle ne lâche pas l’affaire et met une pointe de sel dans le débat. « On lui a imposé le dispositif AIR lors de son placement sous contrôle judiciaire. Il ne souhaitait pas nécessairement l’accepter car du coup ça renvoyait son jugement à octobre, c’est-à-dire loin. Monsieur le procureur a dit que c’était une chance, que les soins seraient contraints mais qu’il allait y adhérer plus tard, qu’on l’accompagnerait et que ça se passerait bien, et que s’il refusait il serait jugé en comparution immédiate, qu’il demanderait 18 mois de prison ferme et qu’il les obtiendrait. »

L’avocate convie le père Ubu à l’audience

L’avocate insiste : « Il ne sait ni lire ni écrire, cela complique considérablement les démarches, mais enfin on l’assure qu’on l’aidera, et puis, le 22 juillet, sans avoir pris le temps de lui expliquer quoi que ce soit, on décide de révoquer ce contrôle judiciaire. » Elle a un geste et un regard vers le prévenu : « C’est votre compagne, vous l’avez choisie, monsieur, mais avec elle c’est un coup oui, un coup non, et si tu me déplais, je vais voir les gendarmes. » Elle revient à la mesure AIR, « le 22 juillet, on n’a pas respecté la promesse qui lui fut faite », et invite le père Ubu : « on lui reproche de ne pas être allé à Dijon pour l’expertise psychiatrique prévue le 4 septembre, mais il est incarcéré ! »

Maintien en détention jusqu’à son jugement

« Je suis tâcheron, je voudrais aussi aller travailler parce que j’ai des dettes. » Même quand les gens savent lire et écrire, on voit bien des gouffres s’ouvrir lors des audiences, gouffres de méconnaissance, d’ignorance, de mauvaise foi parfois, mais surtout d’incompréhensions diverses (et parfois réciproques – somme toute les relations humaines sont aussi faites de malentendus). Être illettré dans cette société c’est être exclu quoi qu’on fasse car aucun interlocuteur ne peut se représenter ce que ça signifie réellement.
Le tribunal considère le casier du prévenu, sa personnalité (plutôt prompte à « gueuler » et à être violente), la nature des faits qu’on lui reproche, estime qu’il n’a pas versé de justificatifs suffisants rapport à son appartement, ni produit de « promesse d’embauche imminente », décide de le maintenir en détention jusqu’à son jugement. Il n’est pas content du tout.

Florence Saint-Arroman

Source : www.info-chalon.com

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