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Le - DOSSIER ZSP. « ll faut faire évoluer les pratiques et la culture des forces de l’ordre » (Jean Rottner, maire de Mulhouse)

DOSSIER ZSP. « ll faut faire évoluer les pratiques et la culture des forces de l’ordre » (Jean Rottner, maire de Mulhouse)            

Jean Rottner, maire de Mulhouse« ll faut faire évoluer les pratiques et la culture des forces de l’ordre », affirme le maire UMP de Mulhouse, Jean Rottner, lors du séminaire consacré aux zones de sécurité prioritaires, à Lyon, lundi 13 mai 2013 (AEF Sécurité globale n°8972). « Il faut prendre le ‘risque du sourire’, développer les contacts directs avec la population, faire savoir et expliquer les actions, réinvestir la communication », souligne-t-il. Il regrette « l’absence d’habitants » à ce séminaire et, plus globalement, « l’absence de valorisation statistique de la relation police-population ». Le maire de Mulhouse estime qu’il « faudrait pouvoir passer, sans nier les nécessités de l’intervention et de l’action, à une police de la communauté de destin. Il faudrait repenser le service quotidien, les patrouilles pédestres, le porte à porte , aller vers les gens ». Et d’ajouter : « Il faut que nous arrivions à replacer le citoyen au centre de nos décisions, que nous acceptions parfois de perdre une forme de notre pouvoir, de notre autorité, pour en gagner autrement. »

Jean Rottner s’exprimait dans le cadre de la restitution des conclusions des quatre ateliers, regroupant chacun une dizaine d’acteurs des ZSP – policiers, gendarmes, élus, bailleurs, procureurs… – organisés lundi dans la matinée. Son atelier avait pour thème : « le renouvellement du lien de confiance avec la population ». Les trois autres ateliers s’intitulaient « pratique des cellules de coordination opérationnelle », « pratique des forces de sécurité intérieure » et « partager les bonnes pratiques et évaluer les résultats ».

PUBLIER LES RAPPORTS DISCIPLINAIRES

Le maire de Mulhouse pointe l’importance du « métier de l’accueil dans les services publics ». « Peut-on confier indéfiniment les quartiers difficiles à de jeunes enseignants et de jeunes recrues de la police et de la gendarmerie ? Je ne crois pas, nous aimerions qu’il y ait une réflexion sur ce sujet », affirme-t-il. « Pourquoi ne pas mettre en oeuvre un stage pratique un peu prolongé pour la hiérarchie policière ou gendarmique qui leur permettrait d’être pendant quinze jours à l’accueil pour voir toutes les difficultés de ce poste ? » interroge-t-il.

Il constate par ailleurs que « la transparence peut parfois être insuffisante par rapport à nos concitoyens ». Il recommande de « publier les rapports disciplinaires ou autres de la part de l’IGGN et l’IGPN », d’avoir des « objectifs très simples en matière de réponse aux courriers des administrés, avec un accusé de réception dans un temps donné » et d’ « expliquer et démontrer les performances dans l’entrée de chaque commissariat et gendarmerie ». Il affirme que, « pour les forces de l’ordre, la proximité ne se gère pas uniquement avec des objectifs opérationnels, n’est pas mise en avant dans les avancements, la reconnaissance de service et cela est dommage ».

FORTE REMONTÉE DU RENSEIGNEMENT

Éric Lallement, procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Évry, restitue pour sa part les travaux de l’atelier consacré aux pratiques des forces de sécurité intérieure. Il constate, au sein des ZSP, « une forte remontée du renseignement de l’ensemble des services vers le Sdig et un retour du Sdig vers les services d’enquête en particulier ». Il souligne que « la pratique du procès-verbal de contexte », mise en place dans certaines ZSP, est « intéressante et susceptible d’être développée sur d’autres territoires ». Ce document « peut donner un éclairage au procureur de la République, mais aussi aux magistrats du siège », explique-t-il.

Albert Doutre, directeur départemental de la sécurité publique du Rhône, pointe également la nécessité de « faire remonter toutes les informations » des services vers le Sdig. Il cite notamment la mise en oeuvre, dans le Rhône, d’un « partenariat très fort sur la recherche d’individus démunis de ressources officielles et qui ont un train de vie choquant pour les populations alentours ». Cette démarche « permet d’appréhender, selon des facettes différentes, des individus qui, d’une manière globale, sont inscrits dans l’économie souterraine. C’est une pratique originale qui mérite d’être développée », affirme-t-il.

« LES MOYENS NE SONT PAS EXTENSIBLES »

Le procureur de la République d’Évry rapporte en outre les « points de blocage » constatés dans les ZSP par les différents membres de son atelier. Il pointe la « difficulté d’appréhender parfois des phénomènes de délinquance hors ZSP, mais commis par des personnes originaires des ZSP ». Il note également que « les moyens ne sont pas extensibles et le fait de concentrer les moyens sur les ZSP peut poser la question de certains phénomènes d’éviction » d’effectifs dans d’autres zones, ainsi que des « phénomènes de report de la délinquance sur d’autres secteurs ».

Philippe Sebag, secrétaire national du syndicat Alliance police nationale, affirme pour sa part que « les ZSP ne pourront fonctionner que s’il y a des moyens supplémentaires. Aujourd’hui, elles se font à effectifs constants ». Il pointe cependant une « disparité », selon les zones. « Dans certaines ZSP, on a pris simplement des effectifs qui étaient à droite pour les mettre à gauche, il n’y a pas eu d’apport d’effectifs, de véritables restructurations, il n’y a pas eu les moyens qui vont avec le dispositif. Quand on connaît aujourd’hui l’état du parc automobile, on peut se poser des questions sur l’accompagnement de la logistique par rapport à cet afflux de fonctionnaires sur les ZSP », indique-t-il.

Il constate également que « la délinquance se déplace. La population explique que, là où il y a des forces de police, cela va mieux pendant un temps. Mais ailleurs, la délinquance explose, notamment les cambriolages, et le sentiment d’insécurité s’installe dans d’autres endroits de la cité ». En réponse à cette interpellation, le ministre de l’Intérieur rappelle notamment que « plus de 10 000 postes ont été supprimés au cours des dernières années. Il faut des moyens techniques, humains, des véhicules, mais s’ils manquent aujourd’hui, c’est qu’ils n’existaient pas avant ».

Jérôme Safar, premier adjoint PS au maire de Grenoble, affirme quant à lui que « la ZSP est une garantie de moyens alloués par l’État et ses partenaires pour que des actions puissent être menées. Les moyens sont présents et sont au moins constants et, dans la période que nous connaissons, la constance des moyens publics est déjà une réponse extrêmement forte ».

IMPORTANCE DES DISPOSITIFS EXISTANTS

Jérôme Safar restitue pour sa part les travaux de l’atelier consacré aux cellules de coordination opérationnelle. Il précise que « la situation varie d’un territoire à l’autre » et que « la gouvernance fonctionne là où les dispositifs existants fonctionnaient déjà, comme les CLSPD. Il y a donc, de fait, une inégalité des territoires ». Il indique que « les ZSP ont un effet bénéfique : elles donnent la possibilité de rattraper ce retard et de faire en sorte que l’État se tourne aussi vers les collectivités pour qu’elles soient de véritables partenaires dans l’élaboration des politiques ». Il estime « essentiel que le tandem constitué par le préfet et le procureur fonctionne bien en direction de l’ensemble des partenaires pour que ceux-ci se sentent en total responsabilité et ne se défaussent pas sur l’État ».

Laure Beccuau, procureur de la République près le TGI de Nîmes, décrit les travaux de l’atelier sur les bonnes pratiques et l’évaluation des résultats. Elle affirme qu’une « labellisation au niveau national de la bonne pratique est à exclure ». Elle indique que « les politiques mises en place doivent s’accompagner de transversalité, de partage des cultures et des connaissances et que « le dispositif d’évaluation doit être porté exclusivement sur les objectifs définis localement ». « La meilleure des évaluations est la pratique de terrain », conclut-elle.

DIFFICULTÉS À COMMUNIQUER EN DIRECTION DES HABITANTS

Détaillant les « axes d’amélioration » possibles dans les ZSP, Jérôme Safar affirme que « le premier tourne autour de la communication » entre les différents acteurs. « Nous ne communiquons pas suffisamment entre les différents partenaires sur ce que nous sommes, ce que nous faisons et sur ce que nous sommes éventuellement prêts à mutualiser ou à développer », explique-t-il. « Nous avons une culture des bonnes pratiques à développer. La ZSP doit servir ailleurs qu’au sein des territoires concernés », poursuit Jérôme Safar. Il évoque également « l’implication parfois encore jugée plus ou moins forte des élus locaux dans les dispositifs de la ZSP. Cela est sans doute lié au fait que, pour la première fois depuis très longtemps en matière de politique de sécurité, on demande aux élus locaux de jouer un rôle essentiel de mobilisation de moyens, de définition d’objectif. Cela n’est pas simple pour tous les élus ».

Il pointe cependant la difficulté pour les élus de « communiquer en direction des habitants », d’autant plus en période électorale, « quand les élus ne peuvent pas communiquer comme ils le souhaiteraient ». « Nous avons à réfléchir à des notions de comités d’usagers, de retour des habitants pour voir comment ils ressentent l’action des ZSP au quotidien en matière de prévention », recommande-t-il.

Pour améliorer la communication, il préconise également de « mettre en place un annuaire des référents ZSP » et de « faire en sorte que les ZSP permettent de valoriser les acteurs intermédiaires avec lesquels nous travaillons, comme les associations ». Il préconise également « de voir comment la police, la justice, les collectivités et les bailleurs peuvent travailler ensemble à la transmission des mains courantes afin d’être plus efficaces dans les mesures de rappel à l’ordre » à l’encontre de certains locataires.

DANGER D’UN DÉRAPAGE AUTOUR DES FICHIERS

Le premier adjoint au maire de Grenoble souligne également que la notion de « partage d’informations » entre les partenaires de la ZSP, fait peser le « danger d’un dérapage » concernant la multiplication de fichiers « que la Cnil pourrait venir [leur] reprocher ».

Pour Jérôme Safar, « il faut avoir ce thème en tête, car il est assez paradoxal que des personnes chargées d’améliorer la sécurité de nos concitoyens se retrouvent mises en cause par la justice, parce qu’elles auraient mal engagé une opération et péché peut être pas naïveté ou absence de professionnalisme ».

SourceCapture AEF Sécurité Globale – Dépêche n° 8980 – Paris, mardi 14 mai 2013.

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