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TÉMOIGNAGE

« Gendarme, puis policier, je travaille aujourd’hui dans le bâtiment »

TEMOIGNAGE// Thibaut Quennelle, 28 ans, a été motard dans la gendarmerie pendant cinq ans, puis en poste près de trois ans au sein de la police municipale. Mais, il vient de rendre sa moto, ses rangers et son uniforme pour devenir chargé d’affaires junior dans un bureau d’étude spécialisé dans le bâtiment. Pour les Echos START, il revient sur ce changement radical.

Maintenant, Thibaut passe ses journées à visiter des chantiers, des copropriétés et autres immeubles en tout genre.
Maintenant, Thibaut passe ses journées à visiter des chantiers, des copropriétés et autres immeubles en tout genre. (DR)

Publié le 22 juin 2021 à 13:00

« Même si je rêvais plus au départ d’être basketteur professionnel que gendarme, l’idée de défendre la veuve et l’orphelin m’a toujours trotté dans la tête. Mais, en 2011, mon bac S en poche, quand il a fallu choisir mon orientation, je me suis d’abord tourné vers la médecine. J’ai vite compris que je n’arriverais pas au bout.

Alors mon père, qui a fait toute sa carrière en tant que CRS, m’a poussé à passer les concours des forces de l’ordre. Comme j’étais passionné de moto, et déjà familiarisé avec le métier, je me suis lancé. Le côté militaire et droit de la gendarmerie me correspondant plus, j’ai tenté le concours de la gendarmerie, et je suis devenu gendarme en 2013.

Travailler dans la fonction publique n’était pas un but en soi. Ce que je voulais vraiment : être motard. J’ai donc fait un stage motocycliste, mais après une année, je me suis aperçu que cela ne correspondait pas forcément à mes attentes. Nous avions peu de motos à disposition, je trouvais que l’on était surtout guidés par les statistiques, et trop déconnectés de l’humain.

« J’ai donc fait le grand saut »

Après avoir fait le constat que la gendarmerie n’était pas l’idéal auquel j’aspirais, j’ai eu l’opportunité d’effectuer la passerelle avec la police municipale, tout en restant motard. Côté vie professionnelle, je pensais que j’allais retrouver l’aspect « proximité » en tant que policier municipal et, côté vie personnelle, cela me permettait de me rapprocher de ma femme après trois ans de relation à distance. J’ai donc fait le grand saut.

Thibaut a passé sept ans au total dans les forces de l'ordre, dont cinq en tant que motard dans la gendarmerie nationale.
Thibaut a passé sept ans au total dans les forces de l’ordre, dont cinq en tant que motard dans la gendarmerie nationale.DR

En gendarmerie, nous sommes militaires et vivons au rythme des services de nuit, des astreintes et des interventions. Dans la police municipale, les opérations sont monnaie courante, étant donné que nous occupons un rôle essentiellement de « police secours ». Mais, j’y ai trouvé certains avantages : en tant que fonctionnaire territorial, le rythme est beaucoup moins soutenu qu’en caserne. Même s’il ne s’agit là que de mon expérience personnelle et non d’une généralité.

A l’inverse, j’ai peut-être perdu en qualité des missions. Ma qualification judiciaire, c’est-à-dire mon grade, était plus importante quand j’étais gendarme que dans la police. Cela me permettait donc de procéder à des enquêtes et des investigations, ce qui constitue un volet assez riche et divers.

Même si être gardien de police municipale m’a responsabilisé, et épanoui pendant un temps, le fait de devoir être corvéable à merci et la perte de sens dans certaines missions, m’ont poussé à partir.

« Ma reconversion est presque partie d’une blague »

A ce moment-là, une amie qui recrutait dans son bureau d’études spécialisé dans le bâtiment, m’a proposé un jour, presque en blaguant, de venir travailler avec elle. Je l’ai pris au mot et j’ai sauté sur l’occasion.

J’ai donc passé plusieurs entretiens, et au bout du 3e : la délivrance ! J’ai demandé une mise en disponibilité auprès de la mairie qui m’employait – ce qui me permet de réintégrer la police au cas où cela ne se passerait pas comme prévu. Deux mois plus tard, j’ai rendu mon paquetage avec le sourire et dit « au revoir » à tout ça.

Tout à coup, je suis passé du public au privé, de la moto aux échafauds, du terrain au bureau. Et le changement dans ma vie professionnelle est assez radical. J’ai aujourd’hui de vrais échanges concrets et fructueux avec mes collègues. Nous travaillons tous ensemble pour améliorer la qualité de notre travail. Au niveau du salaire, il n’y a pas de différence : je suis toujours à plus ou moins 2.000 euros.

S’il fallait trouver des similitudes entre ces deux mondes, ce ne serait pas chose facile. Peu de choses sont comparables avec ce que je faisais avant. Mais, en y réfléchissant bien, le travail d’enquête que j’effectuais au sein de la gendarmerie s’en rapproche : se rendre sur place, récolter des données, les analyser, décortiquer les pièces de procédures, etc.

« J’ai redécouvert récemment ce qu’était un jour férié »

Depuis que je suis en poste, environ un mois, je dispose d’une voiture de fonction, mes repas sont défrayés, j’ai un ordinateur professionnel et même un téléphone. C’était très étonnant. Au début, j’avais un peu l’impression de voler l’entreprise.

Quand on me demande ce que je fais dans la vie, maintenant c’est plus complexe à expliquer. Mon métier actuel ne se résume plus en un mot. Mes journées de travail sont assez diversifiées. Elles varient en fonction des rendez-vous sur les chantiers, des déplacements pour s’y rendre et du travail au bureau.

Le bureau d’études dans lequel je travaille aujourd’hui est spécialisé dans l’étanchéité, la couverture et le ravalement de façades. Je n’ai pas d’horaires vraiment fixes mais je dispose désormais de tous mes week-ends. J’ai même redécouvert récemment ce qu’était un jour férié !

Aujourd’hui, j’espère me former du mieux possible et pourquoi pas évoluer dans cette société et prendre un jour des responsabilités. Il me semble que les perspectives sont larges.

La seule chose qui pourrait venir à me manquer : voir des situations et des faits parfois hors du commun qu’on peut difficilement trouver ailleurs que dans la police ou la gendarmerie. Mais je n’ai aucun doute sur mon choix de reconversion : si c’était à refaire je le referai sans hésiter. »

À NOTER

Si vous avez aussi une belle (ou moins belle) histoire à raconter, n’hésitez pas à nous contacter : redaction-start@lesechos.fr

Thibaut Quennelle

Source : start.lesechos.fr

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