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Le - « Histoire secrète de l’antiterrorisme », le temps de la terreur

« Histoire secrète de l’antiterrorisme », le temps de la terreur

Attentat rue de Rennes du 17 septembre 1986

Attentat rue de Rennes du 17 septembre 1986 (© KUIV)

Dans « Histoire secrète de l’antiterrorisme », de Patrick Rotman et Vincent Nouzille, policiers, magistrats et anciens des services de renseignement admettent leur défaite face à l’islamisme radical.

Par Mathieu Delahousse

Voilà des hommes qui ont gagné bien des batailles mais qui avouent qu’ils sont en train de perdre une guerre. Marc Trévidic, Bernard Squarcini, François Molins ou encore Roger Marion… Ces grands patrons de la police, de la justice et du renseignement qui pendant trente ans ont lutté contre le terrorisme islamiste font tous preuve d’un rare pessimisme quand ils évoquent la montée inéluctable de ces phénomènes. « La force du djihadisme, c’est de saisir les opportunités, résume Pierre Brochand, ancien directeur de la DGSE. C’est un organisme vivant, un peu comme un virus. » La mise en perspective historique des événements donne hélas cruellement raison à ces hommes, qui, depuis des décennies, répètent que la menace est d’envergure et qu’il conviendrait de durcir les lois. Louis Caprioli, ancien de la DST, revient sur l’attentat de la rue des Rosiers en 1982 quand la France, incrédule et en plein amateurisme, ne disposait pour tout arsenal antiterroriste que d’une trentaine de personnes et de quatre voitures. A l’époque, le credo politique et médiatique était qu’il fallait préserver des attentats le territoire national. Quitte à négocier.

Le juge Jean-Louis Ricard enquête après l’attentat sur le RER à la station Saint-Michel le 25 juillet 1995

Cette illusion s’effondre en 1995. Les terroristes islamistes comprennent alors l’impact de leurs actions en France. Le juge Marsaud dévoile qu’il a été tenté de mettre sur le compte d’un illuminé les attentats commis en 1985 contre les Galeries Lafayette et le Printemps. Un patron de la police avait reçu l’instruction de mentir… Quant à Bernard Squarcini, ancien directeur des RG, de la DST et la DCRI, il confie que lorsque le coordonnateur des attentats de 1995 a été arrêté, ce dernier a déclaré aux policiers : « Moi, j’ai perdu. Mais dans six mois, un an, dix ans, d’autres viendront. On est chez nous. Ici, vos femmes porteront le hijab. » Jusqu’aux tueries de 2012 perpétrées par Mohammed Merah, on fait le compte des failles ou des erreurs d’appréciation.

La liste des attentats déjoués grâce aux services de renseignement ne constitue qu’une piètre consolation. On découvre par exemple les terrifiantes vidéos amateurs tournées par le commando de Francfort lors du repérage du marché de Noël à Strasbourg. « Voici les infidèles en train de flâner », commente la voix du suspect. Quand on en arrive aux tout derniers attentats, ceux de Charlie, du 13 novembre ou de Nice, le film semble soudain s’arrêter, comme si nous étions sidérés d’assister aux pires cauchemars prédits par les spécialistes de l’antiterrorisme. A l’instar de Denis Favier, ancien patron du GIGN et de la gendarmerie, tous concluent que face à des « ennemis » qui en veulent à « nos valeurs », il est illusoire de « penser que seules les forces de l’ordre peuvent lutter. Il faut s’engager collectivement ». De la part d’experts si peu versés dans l’immodestie, ce constat résonne comme une forme d’impuissance effrayante.

Mardi 13 novembre à 21h00 sur France 2. Documentaire de Patrick Rotman et Vincent Nouzille. 2h45. (Disponible en replay sur france.tv).

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