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Le - Le Sénat défend l’usage du LBD mais publie des données

À l’initiative du groupe CRCE, le Sénat a étudié une proposition de loi visant à interdire les lanceurs de balle de défense (LBD). Une initiative rejetée mais qui a forcé le gouvernement à faire œuvre de transparence : il y a eu plus de 14 000 tirs depuis le début du mouvement des gilets jaunes.

par Pierre Januel                                                                                                     le 11 mars 2019
La gestion des manifestations par les forces de l’ordre fait l’objet de critiques virulentes de la part d’instances nationales et internationales de défense des droits humains (v. Dalloz actualité, 27 févr. 2019, art. T. Coustet ). Il est logique que cette critique résonne au Parlement, par des questions orales (v. Dalloz actualité, 25 janv. 2019, art. P. Januel ), écrites ou des débats (mardi soir une séance assez vaine a eu lieu à l’Assemblée). Le groupe CRCE a ainsi inscrit, dans sa niche parlementaire de jeudi dernier au Sénat, une proposition de loi pour interdire l’usage des LBD en maintien de l’ordre.

La sénatrice communiste Éliane Assassi expose ses motivations : « D’après plusieurs décomptes, le nombre de blessés s’élève à 206 blessures à la tête, dont plusieurs dizaines sont liées à des tirs de lanceurs de balle de défense ; vingt-deux personnes ont été éborgnées par ces tirs, mutilées à vie. […] Il faut dire stop au LBD 40, c’est une mesure d’urgence ».

Au Sénat, les propositions de loi de l’opposition sont rapportées par la majorité. Si la sénatrice LR, Jacqueline Eustache-Brinio, est défavorable au texte, son rapport contient des informations inédites : « Entre le 17 novembre 2018 et le 5 février 2019, 13 460 tirs de balles de défense ont été recensés au sein de la police nationale. L’inspection générale de la gendarmerie nationale fait quant à elle état de 983 tirs de lanceurs de balle de défense par les escadrons de gendarmerie mobile sur l’année 2018. Elle évalue à un millier le nombre de tirs de lanceurs de balle de défense effectués depuis le début des manifestations des « gilets jaunes » ». Dans la police, seuls 15 % des tirs seraient le fait des CRS, « le reste étant attribué aux unités civiles présentes sur le périmètre des manifestations ».

Évolution du nombre annuel de tirs de lanceurs de balle de défense (source Sénat)

Pour Jacqueline Eustache-Brinio, ce débat est légitime, le sujet étant dans le débat public depuis plusieurs semaines. Toutefois, « comme l’a rappelé récemment le Conseil d’État (v. Dalloz actualité, 6 févr. 2019, obs. M.-C. de Montecler ) l’emploi du LBD dans les opérations du maintien de l’ordre est strictement encadré ».

David Assouline : « Avec 13 460 tirs ? »

Mais pour Jacqueline Eustache-Brinio, « constater des blessures, aussi graves soient-elles, ne suffit pas à établir que l’emploi de l’arme est illégitime. Des dérives personnelles, qu’il appartient à la justice de condamner fermement, ne justifient pas davantage d’en interdire l’emploi ». Si elle regrette les blessures parfois graves causées par les LBD, « force est néanmoins de constater que le nombre de blessures demeure réduit rapporté au nombre de tirs effectués : sur 13 406 munitions utilisées, l’IGPN n’a été saisi que 56 cas de graves blessures ». Murmures d’indignation sur les bancs de l’opposition.

Le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, Laurent Nuñez, insiste lui sur les « 1 500 blessés parmi les forces de l’ordre – policiers, gendarmes et même pompiers ». Il indique que, selon le plus récent décompte, il y a eu 2 200 blessés parmi les manifestants et 83 enquêtes ont été ouvertes par les inspections (majoritairement l’IGPN). Il souligne que LBD vise à éviter aux forces de l’ordre le corps-à-corps et qu’il est utilisé en Espagne, en Croatie, en Bulgarie et en Slovénie. Surtout, « s’il n’y avait pas de casseurs, s’il n’y avait pas d’agresseurs, il n’y aurait aucun tir de LBD ».

La droite et le gouvernement s’opposent au premier article du texte, qui vise à interdire l’usage des LBD en maintien de l’ordre. Ils s’y opposent tant sur le fond que sur la nature réglementaire de ce sujet. Le deuxième article vise à ouvrir les données du « traitement relatif au suivi de l’usage des armes ». Mais, pour le secrétaire d’État, la publication de ces données « pourrait fragiliser l’action des forces de l’ordre et n’offrirait qu’une vision partielle de la situation puisqu’il ne concerne que la police nationale ».

L’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat aura contraint le gouvernement à fournir des chiffres. C’est parfois en tentant de faire la loi que le Parlement exerce le mieux son action de contrôle.

Sourcewww.dalloz-actualite.fr

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