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Les techniques d’investigation subaquatique de la gendarmerie s’exportent à l’international (2/2)

Auteur : le commandant Céline Morin

reportage photo : B. Lapointe – Sirpa-G – publié le 31 juillet 2022

© Sirpa Gendarmerie – B. Lapointe

Sous la direction des moniteurs du Centre national d’instruction nautique de la gendarmerie d’Antibes, les stagiaires étrangers apprennent à traiter une scène de crime subaquatique et préserver au mieux les traces et indices qui serviront à la manifestation de la vérité. Alternant théorie et exercices pratiques en plongée, l’apprentissage des techniques se fait par étapes !

« Chacun arrive avec sa formation et ses contraintes de milieu. Nous devons donc réadapter le programme pédagogique à chaque nouveau stage, mais aussi pendant le stage, en fonction de la progression des stagiaires et de ce que l’on constate lors de la plongée précédente. Pour le moniteur, en surface ou sous l’eau, c’est une remise en question perpétuelle. C’est aussi ça la beauté du challenge ! D’ailleurs, forts de notre expérience, nous avons développé une mallette pédagogique réajustable », souligne le MDC Pierre, directeur du stage.

C’est donc par un apprentissage primordial pour la criminalistique subaquatique que la formation des hôtes étrangers débute : la maîtrise de la stabilisation, essentielle pour conserver une bonne visibilité et faire de meilleures constatations. Cette technique, non maîtrisée par les stagiaires à leur arrivée, est donc travaillée à différentes profondeurs, en introduisant progressivement des éléments de Police technique et scientifique (PTS). « La plongée est un vecteur permettant d’accomplir une mission. Il faut donc qu’il soit maîtrisé. Après les deux plongées diagnostic, permettant de les évaluer, nous leur avons donc enseigné des techniques de plongée pures pour pouvoir aller progressivement sur la criminalistique », développe Ian, avant de préciser : « On leur donne une boîte à outils qu’ils pourront décliner à leur situation. Sachant que tout ce qu’on met en œuvre en criminalistique, on peut le décliner dans les autres cadres d’enquête.

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Dès la moitié de la première semaine, les stagiaires entrent ainsi dans le vif du sujet, en abordant la conduite d’équipe, les différentes méthodes de recherches de personnes et d’objets, puis la prise de vue photo, et, enfin, le prélèvement et le conditionnement des traces et indices. Chaque technique est ensuite progressivement contextualisée. Selon l’évolution de la formation, les stagiaires seront amenés à évoluer dans des milieux plus complexes, en simulant par exemple une absence ou semi-absence de visibilité au moyen de masques plus ou moins opacifiés.

Et c’est là aussi l’un des intérêts de plonger au large d’Antibes, car outre la variété de sites à disposition, ses eaux claires permettent aux moniteurs de toujours garder un œil attentif sur les gestes des stagiaires, qui eux n’ont pas à subir la difficulté supplémentaire d’une eau trouble.

Dans le vif du sujet…

Ainsi, dès le troisième jour de stage, après avoir mis en pratique, dans la matinée, les différentes techniques de recherche d’objets sur une zone déterminée, d’abord avec la planche, puis en filiaire, les stagiaires se rassemblent en début d’après-midi dans le local technique pour entrer dans le vif du sujet. Le MDC Pierre aborde la prise de vue, le cadrage des photos, la pose des indices (plots) alpha-numériques et des repères centimétriques, l’utilisation de gants adaptés pour la manipulation des indices, l’usage des écouvillons, le conditionnement dans des contenants adaptés (piluliers, bacs…), sans oublier quelques conseils pour les descendre en sécurité au fond de l’eau. Un cours dense qui sera mis en pratique dans la foulée. Pour chaque palanquée, le moniteur attitré a préalablement déposé des indices au fond de l’eau. L’un des stagiaires devra se charger de la prise de vue, tandis que son acolyte prélèvera les indices : téléphone, munitions, arme, plaque d’immatriculation…

Après cette introduction à la PTS, la seconde semaine sera dédiée à la gestion des constatations sur un corps immergé et au traitement de l’environnement immédiat. À la fin du stage, une plongée de synthèse, réalisée au plus proche des conditions réelles permettra aux stagiaires de restituer leurs acquis en matière de gestion de scène de crime et une attestation de stage viendra valider ces compétences.

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À noter : en parallèle des missions de formation, les militaires du CNING consacrent une partie de leur activité à la recherche et au développement dans le domaine des investigations subaquatiques. « La criminalistique subaquatique étant relativement récente, nous adaptons nos techniques par rapport à ce qui se fait dans d’autres domaines, comme l’archéologie. Au sein du centre, nous allons développer, fabriquer et tester des matériels, que l’on utilisera durant les formations et que l’on proposera ensuite aux différentes unités, explique le MDC Pierre. La planche de recherche en est un exemple. C’était un procédé connu et mis en œuvre par d’autres entités, que l’on a adapté à nos techniques de recherche. Sur le terrain, c’est une grosse plus-value en termes d’efficacité et de gain de temps sur les zones de recherche importantes. »

La sécurité avant tout !

Cette formation, dont la direction tourne d’une année sur l’autre entre les différents moniteurs, mobilise dix formateurs, permettant de satisfaire aux normes d’encadrement, soit un moniteur pour trois stagiaires maximum au-dessus de 10 mètres et un moniteur pour deux stagiaires maximum en dessous. À chaque plongée, l’un d’eux est également désigné Directeur des opérations (D.O.), chargé de gérer la sécurité de la plongée et des différentes palanquées, dont la composition et l’ordre de mise à l’eau sont déterminés en lien avec le directeur de stage. Un autre moniteur est désigné responsable technique, chargé d’effectuer le briefing de l’exercice, des actes à mettre en œuvre et des objectifs à atteindre, mais aussi de piloter en amont la préparation du matériel.

Les stagiaires et leurs moniteurs sont limités à deux plongées par tranche de 24 heures. Chacune s’effectue en présence d’une infirmière hyperbare du service de santé des armées, à bord de la vedette, sous le contrôle à distance d’un médecin compétent. Ce dernier embarque également dès lors que la plongée se fait avec paliers, tandis que le caisson hyperbare est positionné au port.

La vedette est également toujours flanquée d’un semi-rigide, qui sécurise le périmètre de plongée pour éviter l’intrusion de plaisanciers inattentifs, tout en étant en mesure d’intervenir au plus vite en cas d’incident.

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Des stagiaires conquis

Giovanni, pompier-plongeur, mais aussi instructeur, à Gand, en Belgique, a découvert le stage du CNING « un peu par chance, en regardant sur Internet » et immédiatement pensé que ce serait « très intéressant pour la Belgique, pour Gand, pour notre zone centre. » Son objectif : découvrir de nouvelles techniques. « C’est toujours intéressant de voir d’autres choses. Nous avons chez nous des méthodes de recherches bien rodées dans des eaux sans visibilité, mais ici, on peut en apprendre et en pratiquer d’autres, que l’on pourra parfois adopter dans notre système. » De nouvelles techniques, mais aussi une manière de plonger différente : « Contrairement à ce que l’on fait chez moi, ici, on travaille à plusieurs sous l’eau. On a vu deux ou trois techniques de recherches à plusieurs plongeurs et je pense qu’on va les appliquer dans mon unité, pas en intervention au début, mais en exercice. En plus ce travail ensemble, c’est bon pour la cohésion, pour l’esprit d’équipe, et ça, c’est une valeur extra. »

Quant à la plus-value de la criminalistique subaquatique dans son quotidien professionnel, à 60 % pompier et 40 % plongeur, Giovanni l’a tout de suite perçue : « Naturellement, nous, les pompiers, nous intervenons toujours dans l’idée de sauver des gens. Mais il y a des situations où le temps du secours est passé et où l’on entre immédiatement dans le volet judiciaire. Le juge d’instruction de ma province a élaboré un protocole pour ça, mais ici la procédure est plus élaborée. Pour moi, il est important d’être au point dans ce domaine, de savoir préserver les indices sur les corps, les armes, les voitures, et tous les objets, afin de ne pas gêner le travail de l’enquêteur en polluant la scène et en effaçant les traces. Si ce n’est pas le but premier pour les pompiers, il ne faut pas oublier que nous faisons partie d’une chaîne multidisciplinaire d’unités, comprenant police, pompiers, juges d’instruction, police judiciaire. Il faut donc aussi penser à leurs priorités et donc savoir travailler ensemble, c’est très important. »

Même satisfaction chez les gardes nationaux tunisiens, à l’instar de l’adjudant-chef Belhsan, plongeur depuis 16 ans. Après deux stages en Italie, il vient pour la première fois au CNING, « développer ses compétences. » « Il y a beaucoup de méthodes et de matériels que l’on voit pour la première fois », note-t-il, soulignant en souriant la pédagogie et la patience des moniteurs, grâce auxquels lui et ses collègues apprennent « beaucoup de choses, comme les techniques de recherches subaquatiques, les signes pour communiquer sous l’eau et les recherches judiciaires, c’est-à-dire comment on pratique en sécurité avec les armes sous l’eau, comment préserver les traces et indices. Ce sont des choses nouvelles pour nous et on a besoin de ces techniques-là, que l’on mettra en application à notre retour à Tunis, comme l’autre groupe de chez nous venu en formation l’an dernier et qui les utilise déjà. Cette formation va très vite, mais elle très riche d’enseignements, de connaissances. »

De son côté, le directeur de stage est lui aussi satisfait : « On a un super-groupe, très soudé. Ils sont assidus, volontaires et ils progressent bien, ça fait plaisir. »

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Source : www.gendinfo.fr

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