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Le - Prison ferme pour avoir percuté un gendarme avec son véhicule

Prison ferme pour avoir percuté un gendarme avec son véhicule

L’affaire a fait grand bruit dans les médias locaux la semaine dernière, point culminant d’une actualité toujours plus violente dans le 101ème département. Le conducteur interpellé après avoir volontairement fauché un gendarme lors d’un contrôle lundi dernier était jugé ce vendredi. Retour sur un procès mêlant violence, sanglots et mauvaise foi.

By Mathieu JANVIER 24 janvier 2022

Les gendarmes venus nombreux à l’audience

C’est couvert de bandages, menotté et devant de nombreux gendarmes que le prévenu, un Comorien vivant illégalement sur le territoire, entrait ce vendredi au tribunal pour sa comparution immédiate. Les faits le concernant remontent au 17 janvier dernier, et n’avaient alors pas manqué de marquer l’opinion publique. Lors d’un contrôle routier aux alentours de vingt et une heure, une voiture à l’intérieur de laquelle se trouvaient trois comoriens et une cinquantaine de cartouches de cigarettes de contrebande, ralentit à l’approche des gendarmes. Mais soudain, alors que l’un des militaires s’approche du véhicule pour le contrôler, la voiture accélère subitement, emportant le gendarme avec lui sur une cinquantaine de mètres. Il aura fallu que le jeune gendarme de 25 ans vide son chargeur sur le conducteur et soit éjecté du véhicule pour que celui-ci cesse enfin sa course folle, avant d’être abandonné plus loin.

« Cela fait froid dans le dos »

« Soit je passais en dessous, soit au-dessus. Si je n’avais pas sauté j’aurais été écrasé » indiquait le gendarme dans ses dépositions. « La seule solution pour tenter d’arrêter cette voiture était de toucher le conducteur ». « Cela fait froid dans le dos », commentait la présidente Chantal Combeau, résumant le sentiment partagé par l’audience. Entendu, l’un des passagers du véhicule expliquera qu’il avait déclaré « arrête, il vaut mieux qu’on se fasse arrêter et qu’on nous emmène à Anjouan ». Ce à quoi le conducteur aurait répondu, au summum du sadisme : « Attends, tu vas voir un truc que tu n’as encore jamais vu ».

« Même à un chien qui traverse la route on ne fait pas ça. »

Les deux passagers du véhicule reconnaîtront dans leurs déclarations que l’intention du chauffeur était de « tuer un homme de la gendarmerie ». L’un d’eux aurait demandé au conducteur de s’arrêter, et se voyait alors répondre : « Taisez-vous, je vais vous montrer ce que je sais faire ». Pourtant à la barre, toute cette audace malfaisante aura bien disparu, le prévenu décidant de garder le silence. Dans ses déclarations préalables, celui-ci expliquait qu’il ignore qui est le propriétaire de la voiture, et qu’il n’a pas de permis de conduire. Sa défense ? « J’avais un problème de frein. (…) J’ai essayé de ralentir, et j’ai pris une balle (…) Si j’avais accéléré je lui aurais fait mal, j’ai rétrogradé, mais la voiture ne s’est pas arrêtée. Là j’ai pris une balle, et au bout de 30m la voiture s’est arrêtée. » Pourtant, comme le soulignera la juge Combeau, l’expertise du véhicule ne révélera absolument aucun problème de frein sur le véhicule.

La comparution immédiate s’est tenue ce vendredi

Interrogé, le plaignant s’offusquera des faits : « pour moi, ça viole toute règle de morale, c’est à se demander quel genre d’homme est capable de faire ça, de renverser quelqu’un d’innocent délibérément. Même à un chien qui traverse la route on ne fait pas ça (…) Est-ce que ces hommes-là ont leur place dans la société qu’on a construit ? »

« Vous avez voulu jouer monsieur, vous allez perdre ».

Lors de sa plaidoirie, Me Soilihi, avocat du gendarme, déclarait : « Il pensait qu’il allait mourir, il s’est servi de son arme uniquement pour s’en sortir ». Et ce avant d’inviter le ministère public à se rappeler sa lourde prérogative : « S’il n’est pas sanctionné lourdement, ce sera un signal qu’on donne à la population, que l’on peut s’en prendre aux forces de l’ordre ».
Le substitut du procureur, Ludovic Folliet, fera passer au prévenu un message clair lors de ses réquisitions. Sans aller jusqu’à qualifier l’auteur des faits de « monstre », il demandera tout de même 5 ans d’emprisonnement et un mandat de dépôt pour ce jeune homme jusque lors inconnu des services judiciaires : « Vous avez voulu jouer monsieur, vous allez perdre ».

Une ambiance tendue lors de l’audience

L’avocat de la défense, lui, adoptera une posture qui ne sera pas sans étonner l’assemblée, allant jusqu’à choquer quelques-uns des gendarmes présents dans la salle. « C’est quelqu’un de bon. Il engage son essence pour aller rendre service. Il a voulu rendre service » expliquera-t-il, pour relater les frasques de son client sans papiers et sans permis de conduire, transportant des produits de contrebande et dont l’instruction avait alors clairement établi sa volonté de s’en prendre à la vie du gendarme. « Il faut savoir que dans ces moments-là on panique (…) toutes les conditions étaient réunies pour que la personne perde ses moyens (…) Il n’avait aucune intention déterminée à ce point-là. Il voulait simplement feinter et s’en aller. Il avait tout simplement perdu ses moyens ». Il évoquera ainsi un prévenu qui aurait confondu, voire perdu les pédales face au stress, sous les regards mi-blasés mi-atterrés des gendarmes qui composaient la majeure partie de l’audience. « A la base, il voulait simplement rendre service de façon désintéressée » conclura-t-il, tandis que le prévenu s’effondrait en sanglots. Mais en dépit des excuses inondées de larmes du prévenu, le tribunal restera impassible à cette justification plus qu’osée, et prononcera le jeune homme coupable. Il passera ainsi 4 ans à Majicavo, assortis d’une interdiction de territoire français d’une durée de 5 ans, et devra verser la somme de 800 euros au gendarme. Voilà de quoi faire passer l’envie de « rendre service ».

Mathieu Janvier

Source : lejournaldemayotte.yt

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