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Le - VIDEO. Saccage de l’Arc de Triomphe en 2018 : comment les gendarmes mobiles de Pamiers ont évité le pire

VIDEO. Saccage de l’Arc de Triomphe en 2018 : comment les gendarmes mobiles de Pamiers ont évité le pire

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Publié le 02/04/2021 à 17:16 , mis à jour le 04/04/2021 à 09:47

« Quand on a entendu à la radio qu’il y avait déjà des lancers de marteaux vers 8 h 30, on s’est dit Il faut y aller ! » Alexis, Julien et Didier n’oublieront jamais le 1er décembre 2018. Ces gendarmes mobiles de l’escadron de Pamiers, basés à la caserne Sarrut, étaient affectés dans la capitale pour la sécurisation de l’Acte III des Gilets jaunes. Une simple opération de maintien de l’ordre qui a viré à « la guerre civile » aux abords de l’Arc de Triomphe. Mais les Appaméens ont plus que tenu leur position, ils n’ont pas hésité à secourir les mobiles de Guéret assaillis par des manifestants violents. Non sans y laisser sept blessés au passage, ce qui prouve la virulence de ces affrontements.

Dès la fin de matinée, les gendarmes de Guéret sont assaillis par des manifestants hyperviolents.
Dès la fin de matinée, les gendarmes de Guéret sont assaillis par des manifestants hyperviolents. Photo Gendarmerie nationale – F. G.

Pour leur bravoure, le peloton d’intervention et les militaires de Sarrut engagés ce jour-là viennent d’être décorés par de nombreuses distinctions : médailles pour actes de courage et de dévouement et celles de la gendarmerie nationale ou de la Défense nationale or avec citations. Des récompenses remises il y a quelques jours en catimini. Contexte sanitaire oblige. Mais les héros locaux ont accepté de revenir sur cette interminable journée.

Des scènes de guérilla urbaine

Tout avait pourtant bien commencé sur le boulevard Haussmann. 7 h 30 : le contrôle des zones peut commencer. Il s’agit alors de s’assurer que les personnes rencontrées ne sont pas en possession d’objets dangereux pour intégrer le futur cortège. « C’était bonne enfant comme ce qu’on a connu au début du mouvement et d’un seul coup, c’est monté en pression », se rappelle Didier, le commandant en second de l’escadron.

Quand ils arrivent sur place, l’Arc de Triomphe est déjà noyé dans les gaz. Les collègues sont pleins de peinture. Les véhicules, déjà largement dégradés. Les pavés, tire-fonds ou autres barrières de chantier fusent. Seulement 9 heures… Certains tentent de s’emparer d’un monte-charge d’une société de déménagement comme d’un bélier contre les forces de l’ordre. Seul le sommet du monument est visible. Et d’un coup, le peloton d’intervention de Pamiers repère une gendarme isolée. Les manifestants violents, eux aussi, l’ont vue.

Un face-à-face tendu, qui a marqué les gendarmes mobiles, comme il a certainement marqué les manifestants.
Un face-à-face tendu, qui a marqué les gendarmes mobiles, comme il a certainement marqué les manifestants. Photo Gendarmerie nationale – F. G.

« Elle était toute seule avec une foule de 2000 ou 3000 personnes qui lui fonçait dessus. On s’est dit Si on n’y va pas, elle va mourir. Alors on y est allé d’initiative pour la coiffer. C’est-à-dire qu’on l’a dépassée pour la sécuriser. On a formé une ligne imperméable pour protéger les collègues et reculer tous ensemble. Et là, on a pris de tout. Je sentais juste les chocs sur le bouclier », raconte Alexis qui a été grièvement blessé dans les minutes qui suivirent (lire ci-contre). Environ 11 h 30.

« Instinct de survie »

Au même moment, Julien, lanceur de grenade, et ses collègues de l’appui feu tentent de créer une nasse pour faire reculer les Gilets jaunes les plus virulents. « J’étais un peu en électron libre pour protéger les deux unités. Mais c’est ça l’esprit de groupe. Pour nous, la cohésion, c’est un instinct de survie. » Le jeune homme aujourd’hui âgé de 27 ans avait été affecté pour la première fois en janvier 2018. « On n’a pas le temps de réfléchir, on met en pratique nos techniques données sur ordres. Mais ce n’était pas du maintien de l’ordre, c’était un rétablissement. On avait l’impression d’être dans une guerre civile. On voyait la haine dans leurs yeux », poursuit Julien.

L’un des plus beaux monuments du pays dans la nasse des lacrymogènes.
L’un des plus beaux monuments du pays dans la nasse des lacrymogènes. Photo Gendarmerie nationale – F. G.

À ses côtés, Didier acquiesce. Trente-neuf ans de service à être engagé sur les manifestations les plus tendues de l’Hexagone et l’Outre mer, blessé lors de l’attentat de l’ambassade de France à Bagdad : il en a vécu. « On s’entraîne régulièrement au centre de Saint-Astier mais je pensais à nos jeunes en priant pour que personne ne s’isole. Je regardais de tous les côtés. On entendait Attention pavé et on se collait tous sous le bouclier comme des tortues. Mais de toute ma carrière, je n’avais jamais vu autant d’hostilité et d’acharnement. Si on n’était pas allé chercher Guéret, il y aurait eu des cadavres au sol. » À peine le temps d’avaler un sandwich entre deux bouffées de masque à gaz et c’était reparti.

« Ils ont saccagé l’image de la France »

Bien sûr, les bombes lacrymogènes s’amenuisent et vient le moment du réapprovisionnement. À pied, à fendre une foule qui aurait pu s’emparer de leur armement sur le chemin retour. Merci aux CRS qui ont fait corps.
« J’avais une F4 dans la main et une grenade de désencerclement dans l’autre, au cas où », lâche le n° 2 de l’escadron de Pamiers. Mais presque paradoxalement, ce qui a le plus marqué Didier, c’est de voir les tags et les gens monter sur l’Arc de Triomphe. Et ces employées du monument en état de choc qu’il a dû mettre en sécurité. « Ils ont saccagé l’image de la France. »

« J’ai cru avoir un membre arraché »

Alexis, 28 ans, cohabite encore aujourd’hui avec des particules de métal logées derrière les muscles. La faute à un engin explosif lancé par un manifestant au moment du sauvetage du peloton de Guéret qui était en difficulté. 

Alexis, 28 ans, a été sérieusement blessé au pied.
Alexis, 28 ans, a été sérieusement blessé au pied. Photo Gendarmerie nationale

« Quand on a formé la ligne pour reculer tous ensemble, j’ai entendu une explosion à 1 mètre devant moi. Ça nous a soufflés. J’ai regardé mon collègue et on a compris que là, il y avait un sacré niveau. Et quelques secondes après, je reçois quelque chose dans les pieds. J’ai été projeté en arrière au sol. Je me suis juste dit Ne regarde pas, tu as des membres arrachés. Un véhicule était en train de me reculer dessus et j’ai juste eu le temps de ramper et deux de mes collègues m’ont attrapé. Quand j’ai vu que j’avais mes deux chaussures, c’était le soulagement. » 
Pourtant, il lui faudra encore patienter pour être soigné puisque le véhicule des pompiers est resté bloqué 1 h 30 par les manifestants. «Eux non plus n’ont pas été épargnés : ils s’en prenaient à tous les véhicules de secours. » Malgré ses Rangers et ses coques de protection, la bombe artisanale a logé des dizaines de morceaux de métal dans ses membres inférieurs. Un polycriblage avec brûlures. 
Dix jours d’incapacité totale de travail (ITT), des semaines d’arrêt mais un engagement à l’épreuve des balles. « On prend la mesure de la dangerosité de notre métier et on l’accepte. On sait pourquoi on a signé. Demain, j’y repars sans hésiter. Je suis fier d’avoir secouru l’escadron de Guéret. »    

Dossier Géraldine Jammet

Source : www.ladepeche.fr

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