« On n’était pas prêts à ça » : il y a dix ans, l’attentat de Saint-Quentin-Fallavier secouait l’Isère

Publié le jeudi 26 juin 2025 à 7:00
Il y a dix ans, le département de l’Isère était secoué par l’attentat islamiste de Saint-Quentin-Fallavier, sur le site d’Air Products. L’ancien commandant de la compagnie de gendarmerie de Bourgoin-Jallieu et le préfet de l’époque reviennent sur cet acte « d’une violence qu’on ne peut pas imaginer. »
Dix ans après, Jean-François Fèvre se souvient parfaitement de l’alerte du 26 juin 2015. « On a un premier message qui nous indique une fuite de gaz à Saint-Quentin-Fallavier puisv, un deuxième message quelques minutes plus tard en disant que c’est à Air Products, un site classé Seveso. Donc là on s’inquiète un peu plus », raconte l’ancien commandant de la compagnie de gendarmerie de Bourgoin-Jallieu. « Un troisième message nous donne une information beaucoup plus construite : c’est un gendarme sur place qui est face à une tête, accrochée sur une grille par un collier et, au-dessus, deux drapeaux avec des inscriptions qu’il dit être arabe et là, on se dit que ça commence à être sérieux. »
L’attentat de Saint-Quentin-Fallavier s’est produit avant 10 heures : un chef d’entreprise, sous-traitant d’Air Products, est tué et décapité par son employé. Sa tête est donc retrouvée sur le grillage du site Seveso. Le terroriste a provoqué une explosion en fonçant en voiture dans l’un des bâtiments de cette usine productrice de gaz.
« J’ai vu quelques uns de mes camarades flancher »
Jean-François Fèvre déploie près de 100 gendarmes sur place. « On a pu penser qu’à un moment ou un autre, on allait tous mourir, qu’on était en situation de guerre », raconte-t-il. Face au risque d’explosion, les forces de l’ordre n’ont pas le droit d’utiliser leurs radios ni leurs armes à feu pendant qu’elles sillonnent le site pour s’assurer qu’il n’y a pas d’autre terroriste. C’est un pompier qui arrête l’auteur de l’attentat alors qu’il était en train d’ouvrir d’autres bouteilles de gaz. « Le terroriste est en train de continuer son œuvre parce qu’il n’a pas abouti. Le pompier, aux cris des Allah Akbar, a très bien compris ce qu’il passait donc il est intervenu comme un vrai héros », salue le gendarme. Le terroriste s’est suicidé en prison six mois plus tard.
Cet attentat se déroule quelques mois après celui de Charlie Hebdo. Jamais Jean-François Fèvre n’avait imaginé vivre ça à Saint-Quentin-Fallavier. « On n’était pas prêts à ça » souffle-t-il. « J’ai vu quelques uns de mes camarades flancher, ce qui est naturel quand on a une vraie peur. Sur le champ, un peu plus tard et largement plus tard donc là on peut parler de choc post-traumatique. » Lui-même y pense encore « assez fréquemment. J’ai encore contact avec mes anciens collaborateurs et je crois que tous ont été marqués par cet événement qui était trop, trop en tout. » Il a connu beaucoup de « situations mortelles » au fil de sa carrière de gendarme mais, pour la première fois, après cet attentat, il fait « un cauchemar avec un visage réel, une situation particulière. Je m’en suis ouvert au psy et… ça s’est traité. »

Jean-François Fèvre, ancien commandant de la compagnie de gendarmerie de Bourgoin-Jallieu, a dirigé les opérations pendant l’attentat de Saint-Quentin-Fallavier. © Radio France – Noémie Philippot
« Ça s’est passé il y a dix ans mais pour ceux qui l’ont vécu, c’était hier »
Sur place, il faut gérer l’affluence des journalistes, des personnalités politiques dont le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, reçu par Jean-Paul Bonnetain, préfet de l’Isère à ce moment-là. « Tout le monde est absolument effondré » lorsqu’il arrive sur place, « ça s’est passé il y a dix ans mais pour ceux qui l’ont vécu, c’était hier. »
Il revient avec émotion sur cet attentat qui l’a marqué, une expérience « traumatisante » pour cet ancien préfet de police de Marseille, régulièrement confronté à la violence des règlements de compte. « C’est d’une violence qu’on ne peut pas imaginer. Quand on arrive sur zone et qu’on sait que c’est une décapitation, on n’arrive pas comme sur un braquage. Le moment est déjà chargé par ce mot, les pensées qu’on a immédiatement pour la victime, les proches, la famille bien sûr, les collègues. Après, il y a les réflexes professionnels, il faut gérer les situations. Personne, qui était sur le site, n’a pu oublier ce qu’il a ressenti, personne. »
L’attentat de Saint-Quentin-Fallavier a fait évoluer certaines procédures, notamment pour la prise en charge psychologique des forces de l’ordre mais aussi pour rehausser la sécurisation des sites sensibles comme celui de Air Products.
Source : www.francebleu.fr