En mai 1885 à Saint-Vaury, un gendarme joua au voleur par amou
En mai 1885, un gendarme de Saint-Vaury (Creuse) avait pris la fuite avec une amante en emportant la solde de tous ses collègues. Un scandale qui avait fait les choux gras de la presse de l’époque.
Publié le 24 mai 2025 à 12h00

Au début du mois de mai 1885, Saint-Vaury, bourg d’ordinaire paisible, était tourneboulé par un scandale dont les commères firent des gorges chaudes et la presse locale, toutes tendances confondues, ses choux gras. Pensez, un gendarme à cheval de la brigade locale avait levé le pied avec une jeunette du pays en emportant la solde de ses collègues ! De mémoire de saint-valérien on avait jamais vu ça : un gendarme jouer au voleur, et par amour qui plus est !
La plume toute excitée par cette histoire, voici comment la relatait un journaliste du Courrier de la Creuse dans l’édition du mercredi 6 mai : « Un gendarme enlevé par une jeune fille ! Voilà un fait rare – heureusement – dans les annales militaires, mais qui vient de se produire à Saint-Vaury. Le brigadier de gendarmerie de ce canton, nommé Geoffrion, un jeune homme de 29 ans, séduit par les appâts (sic) enchanteurs d’une syrène (re-sic) du crû, a lâché son beaudrier (re-re-sic) pour prendre, avec la belle, le train de Paris. Afin de parer aux premiers besoins, le galant brigadier a eu soin d’emporter l’argent qu’il avait reçu pour la solde de ses hommes, 600 francs environ. Ce qu’il y a vraiment de triste dans cette histoire, c’est que le brigadier est marié depuis peu avec une toute jeune femme… Mandat d’arrêt est lancé contre Geoffrion qui – s’il est jamais pincé – aura à répondre du triple délit de désertion en temps de paix, vol et adultère ».
Il aurait pu en ajouter un quatrième, celui de détournement de mineure, car dans l’édition du même jour de L’Union de la Creuse, on lit que le gendarme Geoffrion «…a quitté le pays, avant-hier (lundi 4 mai, N.D.L.R.) avec une jeune fille encore mineure qu’il a enlevée à sa famille ». À l’époque la majorité matrimoniale était à 21 ans pour les filles et à 25 ans pour les garçons, le mariage nécessitant le consentement de leurs parents.
Le couple resta introuvable
Sur qui Cupidon tira la première flèche : le gendarme ou la jeune fille. Le premier usa-t-il de son autorité pour séduire cette dernière ? Celle-ci, sensible à la prestance du militaire et aux charmes de l’uniforme fit-elle les premières avances ? Était-elle consentante ? Mystère ! La presse, d’ordinaire peu avare de détails croustillants, reste muette sur le sujet, révélant seulement que le brigadier, ayant jeté son bicorne aux orties pour revêtir la tenue civile, acheta à la gare de La Brionne deux billets pour La Souterraine. On n’y vit pas descendre le couple dont on supposa qu’il s’était rendu à Saint-Sulpice-Laurière, où il aurait pris un train allant à Toulouse ou à Paris.
« Un vrai coup de maître… en l’art de mal faire : priver à la fois les hommes sous ses ordres de leur paye, sa femme du mari auquel elle a droit de par la loi, une famille de son enfant et l’État d’un soldat. Un comble. Non, décidément le brigadier Geoffrion n’a pas raison… Et c’est ce qu’un conseil de guerre ne tardera pas sans doute à lui démontrer – si on le rattrape – pour la plus grande satisfaction de l’armée », lisait-on dans l’Écho de la Creuse du 9 mai, pour qui la culpabilité du gendarme ne faisait pas de doute.
Début juin, la brigade de gendarmerie accueillait un nouveau commandant, le brigadier Junjaud, venant de Brossac, en Charente, en remplacement du brigadier Geoffrion qui, trois mois plus tard, demeurait introuvable, faisant penser que lui et la jeune fille avaient trouvé refuge à l’étranger.
Source : www.lamontagne.fr