Femme séquestrée pendant 5 ans : « c’est quelqu’un qui avait administrativement disparu », un gendarme en charge de l’enquête raconte

Écrit par Fabienne Béranger
Publié le22/10/2025 à 16h22
Le général de brigade Bruno Makary est commandant en second du groupement de gendarmerie de la Loire-Atlantique. Il est en charge de l’enquête sur la séquestration de cette femme de 45 ans, retenue contre son gré pendant cinq ans à Saint-Molf en Loire-Atlantique. Il a accepté de revenir pour nous sur cette histoire bouleversante.
Ça s’est passé quand et comment c’est arrivé au service de la gendarmerie ?
Le 14 octobre, nous recevons un appel au centre opérationnel de la gendarmerie d’une dame qui nous dit avoir une femme qui a tapé à son carreau et qui se dit séquestrée depuis plusieurs années.
Elle est dans un état plutôt famélique, mal habillée et on sent effectivement qu’elle est très désorientée. Donc cette voisine appelle le 17 et on envoie une première patrouille.
Cette femme, elle vous raconte quoi ?
Elle nous raconte très rapidement qu’elle est séquestrée depuis plusieurs années dans un garage et à partir de là, il y a des vérifications qui vont être faites. La première chose, c’est de la ramener rapidement vers l’hôpital où un médecin va constater qu’elle est particulièrement affaiblie et va d’ailleurs avoir immédiatement 30 jours d’ITT.
Sa première déposition va être faite et après, nous allons partir sur une partie investigations où on va effectivement rechercher les éléments, corroborer les faits qui nous sont relatés.
Elle vous donne une adresse, vous vous y rendez, qu’est-ce que vous constatez sur place ?
Les investigations commencent par une perquisition où on trouve effectivement les lieux qui correspondent à l’endroit où elle aurait été séquestrée pendant cinq ans. Ça correspond parfaitement.
Donc c’est un garage où elle dort dans un transat, elle a accès parfois à un jardin et elle est effectivement dans des conditions très précaires.
Elle reçoit une alimentation faite de bouillies où on y met également du liquide vaisselle, c’est ce qu’elle nous annonce. C’est également quelqu’un qui est obligé de faire ses besoins dans des sacs ou dans des pots, il n’y a pas de toilette donc c’est vraiment une situation de détention, de séquestration particulièrement dure.
Pourquoi du liquide vaisselle mélangé ?
Ça je n’en sais strictement rien, ce sont les éléments de l’enquête qui nous le diront, mais effectivement ce sont les éléments qu’elle nous apporte, une bouillie avec du liquide vaisselle.
À ce moment-là, elle accuse nommément sa colocataire et l’homme qui vit avec elle ?
Les premiers suspects sont un couple chez qui elle est colocataire, donc une femme d’une soixantaine d’années et un homme de 82 ans, qui vont être entendus d’une première fois dans le cadre d’une garde à vue pour effectivement rassembler les preuves. On est dans une enquête à charge et à décharge et ça va effectivement être confirmé.
Alors évidemment, les auteurs minimisent toujours les faits, mais la détention est bien confirmée, la séquestration est confirmée exactement.
Comment elle explique-t-elle d’être tombée dans ce piège de l’asservissement ?
Justement ce sont les éléments de l’enquête qui vont l’apporter. Pour l’instant, nous n’avons rien sur effectivement comment elle a pu rester captive, mais on sait comment elle a pu s’en échapper.
Parce que c’est aussi ça qui est intéressant, c’est que grâce à la télévision, puisque le monsieur regardait la télévision, elle a profité de ce moment de divertissement pour aller à l’extérieur, enjamber la clôture et filer chez la voisine où elle a réellement réclamé son aide.
Comment ce couple justifie et qu’est-ce qu’il reconnaît par rapport à cet état de fait ?
Pour l’instant, ils ne reconnaissent rien, si ce n’est le fait qu’ils l’avaient accueillie. Voilà donc là, les éléments de l’enquête ont effectivement recherché les raisons pour lesquelles elle était séquestrée. On y voit évidemment des raisons financières, des prélèvements qui ont été faits sur ses comptes puisqu’elle ne dépensait plus rien.
Prélèvements au bénéfice du couple ?
Au bénéfice du couple.
Cette femme avait arrêté tout d’un coup de travailler, elle a disparu de la circulation, il n’y avait eu aucun signalement de sa disparition ?
Elle fait partie de ces 11 000 personnes qui disparaissent chaque année, qu’on appelle les disparitions inquiétantes, pour lesquelles effectivement, nous faisons des investigations quand notre attention est appelée sur des disparitions.
Là, en l’espèce, elle était ce qu’on peut dire sous les radars, c’est-à-dire qu’elle a disparu. Aucun mouvement sur les comptes bancaires hormis les prélèvements que je vous ai évoqués, effectivement plus de téléphone, plus d’abonnement quelconque.
C’est quelqu’un qui avait administrativement disparu.
Les prélèvements se faisant au tout début de sa disparition ?
Au tout début, quand il y avait certainement encore de l’argent.
On sait quelle somme d’argent a été détournée ?
Pour l’instant nous n’avons pas les éléments, je pense que l’enquête va encore se poursuivre, savoir s’il y a eu d’autres actes de fait.
Comment elle va depuis le 14 octobre ? Elle est hospitalisée ?
Comme je vous l’ai dit, elle a été hospitalisée, elle avait un premier diagnostic qui a été fait par un médecin avec 30 jours d’ITT (Incapacité temporaire de travail), mais on ne ressort pas indemne de cinq ans de séquestration.
Donc là aujourd’hui, elle est profondément affaiblie et son état de santé, j’espère, progresse, mais nous n’avons pas d’éléments à l’instant. Je ne peux pas vous en donner.
Propos recueillis par Philippe Sans et Amélie Lepage
Source : france3-regions.franceinfo.fr