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Gendarmes. La lettre qui dénonce les quotas

Un commandant de gendarmerie costarmoricain a-t-il fait du zèle en obligeant ses troupes à remplir des quotas de contraventions ? Sa hiérarchie dément toute instruction en ce sens mais n’exclut pas une «dérive» individuelle. Un document confirme cette hypothèse.

 

 «Les chiffres étant ce qu’ils sont, il convient de constater que nous sommes en retard dans la lutte contre l’insécurité routière par rapport à 2011. Afin que chacun se sente concerné, un objectif (minimal) par personnel est demandé d’ici la fin de l’année. Si certains objectifs (la vitesse par exemple) semblent faciles à réaliser, il faudra insister dans certains autres (conduite en état alcoolique, infractions graves génératrices d’accidents). (…) Je vais donc établir un tableau où chacun devra renseigner les infractions relevées entre le 3 octobre et le 31 décembre». Ces quelques lignes sont extraites d’un courriel rédigé par un commandant de brigade de gendarmerie, parvenu dans un courrier, à la rédaction du Télégramme, la semaine dernière.

«La gendarmerie ne fixe aucun quota!»

 Les émetteurs de cette lettre? Des gendarmes de l’ouest des Côtes-d’Armor, troublés par les ordres de leur responsable hiérarchique. Pour eux, les instructions du commandant sont très claires: «Faire de la répression à outrance pour atteindre les chiffres voulus: les quotas». Invité à réagir, le lieutenant-colonel Vauthier, commandant en second du groupement de gendarmerie des Côtes-d’Armor, reconnaît «qu’individuellement, un commandant de brigade un peu zélé a pu donner de telles consignes en croyant bien faire. C’est déjà arrivé et cela a été corrigé dès que nous l’avons su. Ce sera de nouveau le cas si nous découvrons quelque chose. Car nous considérons qu’il s’agit d’une dérive inacceptable». L’officier poursuit: «Il y a 720 gendarmes sur le terrain dans les Côtes-d’Armor. Je ne peux pas être garant de l’intégrité de l’ensemble de mes personnels. Ce que je peux assurer, en revanche, c’est qu’il n’y a pas eu le moindre ordre au niveau du gouvernement, de l’autorité administrative ou de l’autorité militaire, pour donner des objectifs individuels à nos militaires. La gendarmerie ne fixe aucun quota! Les seuls chiffres après lesquels courent les gendarmes, ce sont ceux des tués sur la route.Et nous avons sept morts de plus par rapport à l’année dernière, à la même période, en zone gendarmerie», détaille encore le lieutenant-colonel Vauthier pour expliquer les contrôles accrus sur les routes en cette fin d’année. «Nous avons une obligation de moyens, pas de résultat», ajoute le gradé.

Une brigade sous pression

Reste que le personnel de la brigade concernée se sent, lui, clairement sous pression. Notamment en ce qui concerne la notation de fin d’année. Pour eux, pas de doute, les objectifs fixés par le commandant de brigade seront prépondérants dans leur évaluation. «C’est un réel dilemme et une forme de chantage tout à fait persuasif pour ceux qui espèrent de l’avancement», écrivent les militaires en colère.

«Une course au numéro»

Selon ces derniers, écœurés, qui joignent à leur missive le fameux tableau imaginé par leur commandant (*), certains de leurs collègues se sont déjà lancés «dans une course au numéro». Des petits bâtons, dessinés au crayon, viennent illustrer leur propos: ils permettent, par exemple, de constater qu’un adjudant-chef a été très efficace en ce qui concerne les infractions graves génératrices d’accidents et celles rangées dans la colonne «divers» (douze procès-verbaux dressés en très peu de temps).

«L’ensemble du personnel de la brigade trouve déplorable cette forme d’objectifs à atteindre qui lui est imposée», concluent les auteurs de ce courrier. Un discours qui fait écho aux récentes déclarations du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, qui entend bannir la politique du chiffre des rangs de la police comme de la gendarmerie. Apparemment, le message ne semble pas avoir été entendu par tout le monde…

* Sous ce tableau, figure toute une nomenclature seulement utilisée par les fonctionnaires des ministères de l’Intérieur et de la Justice pour codifier les infractions.

Julien Vaillant et Gwendal Hameury

source:http://www.letelegramme.com

Le 03 novembre 2012

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