Articles

Le - Procès de Clermont : «C’était plus convivial de l’inviter à la gendarmerie»

Procès de Clermont : «C’était plus convivial de l’inviter à la gendarmerie»

Lors de l'audience à Clermont-Ferrand le 15 mai.
Lors de l’audience à Clermont-Ferrand le 15 mai. (Photo Thierry Zoccolan. AFP)
A LA BARRE

Deux gendarmes comparaissaient ce jeudi à Clermont-Ferrand pour atteinte à la liberté d’un syndicaliste lors d’une visite de Nicolas Sarkozy en 2010.

Ambiance des grands jours au tribunal de Clermont. A la barre, le colonel Martzinek, ex-commandant de la gendarmerie de l’Allier. Une tête plus bas, son ancien capitaine. Ce jeudi, ils comparaissent pour acte attentatoire à la liberté d’un syndicaliste, fin 2010, lors d’une visite de Nicolas Sarkozy alors Président.

Le premier, fier gaillard se présentant comme «un expert en sécurité publique», croise les mains dans son dos, offrant un torse bombé à la présidente Valliergues. Le second est voûté. Ses mains, croisées sur le bas ventre. Comme s’il s’attendait à prendre des coups.

Il y a Le Marrec, enfin. «Ce gauchiste», présenté comme particulièrement dangereux — ce qui justifiera de le garder arbitrairement à la gendarmerie du Mayet-de-Montagne, en novembre 2010 — n’a pas l’air d’un terroriste. Une sorte de gentil géant, un peu gauche, aux traits fins et au regard bleu qui sourit plus souvent qu’à son tour.

«J’AI OBÉI À MES CHEFS COMME JE FAIS DEPUIS 37 ANS»

Laborieux, engoncés, verbeux et donneurs de leçon, les deux mis en cause fatiguent les magistrats. Aucun doute, ces hauts gradés habitués à deviser si amicalement avec la justice, ne comprennent pas ce qu’ils font là.

En arrière-plan de la privation de liberté dont a été victime Le Marrec ce 25 novembre, il y a l’histoire d’un cafouillage aberrant. Les raisons de sa filature en premier lieu : «c’est un agent dont la femme, une collègue de Le Marrec, avait un contentieux avec lui, qui l’a signalé comme dangereux» précise le dossier. Puis l’entêtement à garder le syndicaliste sans raison ; l’entêtement encore jeudi, à soutenir qu’il était libre de partir.

«Ordre, combat, honneur, ennemis, verticalité, objectif», ils en ont plein la bouche, mais esquivent tant qu’ils peuvent leurs responsabilités.

Avec le capitaine Pouly, pas besoin d’un dessin, c’est une caricature gendarmesque.«Ce jour-là je n’avais pas à donner d’ordre, ma mission était de répercuter les informations. J’ai obéi à mes chefs comme je fais depuis 37 ans.»

«Vous voyez que vos subordonnés sont mal à l’aise, mais jamais vous ne vous posez par la question des libertés individuelles ?» demande la présidente. «Non. Ce qui compte c’est la sécurité du président. Quand vous avez un ordre et que vous décidez d’y déroger, c’est tout le système que vous mettez en péril.»

«AMBIANCE TENDUE, COMPLIQUÉE, STRESSANTE»

C’est alors que le colonel Martzinek déclenche l’opération séduction. L’ancien casque bleu se lance dans un dithyrambe à la gloire de la liberté à laquelle il est«viscéralement attaché». D’ailleurs il est «affirmatif» il n’a pas donné d’ordre contre Le Marrec. «Non. Il faisait froid, c’était plus convivial de l’inviter à la gendarmerie.» Que «votre brigade soit conviviale d’accord, mais qu’est-ce-qui vous fait croire que Le Marrec est dangereux à ce moment là ? Il n’a pas d’antécédent.»Et puis «quelle est l’ambiance sur le terrain ?» demande le procureur. «Tendue, compliquée, stressante» commentent les militaires.

Il aura fallu plus de trois heures au colonel pour lâcher que «oui», il avait la pression, «oui», il voulait faire bonne impression, et que «oui», le préfet Monzani, proche de l’UMP, qui a brillé par son absence, «avait donné des ordres». Lesquels ?«Il fallait qu’aucune manifestation, ni aucune contestation ne se produise au passage du président.»

Un tremplin sur lequel s’est hissé Maître Borie, qui plaidait pour le syndicaliste et la Ligue des droits de l’homme. «Ce qui est arrivé à mon client c’est la conséquence de décisions injustes, arbitraires et stigmatisantes prises pour plaire au président. Ça n’est pas normal» a-t-il martelé. «La loi doit être rappelée» a insisté le parquet.

Plus flamboyants que leurs clients, Maîtres Portejoie et Deschamps n’en ont pas moins maintenu la position de ces derniers plaidant la relaxe. Le jugement a été mis en délibéré au 16 juin.

Source : LIBERATION SOCIETE www.liberation.fr

Be Sociable, Share!