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Le - Que valent « Les promesses que nous tenons », BD sur les gendarmes de l’air ?

Que valent « Les promesses que nous tenons », BD sur les gendarmes de l’air ?

Après un premier tome intitulé « Le Loup de Nancy », le capitaine reprend une enquête sur un tueur en série présumé mort. Une suite solide pour un concept toujours étonnant.

Par Éric Delbecque

Publié le 29/03/2025 à 17h42

Les promesses que nous tenons (éd. Dupuis).
Les promesses que nous tenons (éd. Dupuis). © ZEPHYR

Les Français aiment la gendarmerie nationale. Notamment parce que, un peu partout sur le territoire national, elle demeure l’un des derniers services publics dans les espaces les plus isolés, et s’affirme ainsi un recours dans un nombre assez varié de situations. Ses spécialisations sont paradoxalement nombreuses, même si la plupart de nos compatriotes pensent d’abord à la Garde républicaine à cheval (qui recueille toujours un franc succès le 14 juillet sur les Champs-Élysées), aux brigades de la départementale qu’ils croisent quotidiennement, ou au GIGN, qui apparaît dans les situations de crise.

Si l’on pense donc facilement à des fictions mettant en scène des enquêteurs traditionnels ou des experts de l’intervention (d’innombrables romans, films ou séries exploitent ce filon), on manquait d’explorations d’unités moins connues. C’est chose faite avec la bande dessinée de l’éditeur Dupuis (plus précisément du label Zéphyr, dédié à l’aventure aéronautique ou militaire), qui s’intéresse à des gendarmes moins connus du grand public : celles et ceux de la gendarmerie de l’air et de la Section de recherches de la gendarmerie de l’air.

Paru en janvier 2023, le premier tome (Le Loup de Nancy) de Section de recherches (avec Emmanuel Herzet au scénario, Gerardo Balsa au dessin, et Nicolas Caniaux aux couleurs) attendait sa conclusion. Elle nous est offerte dans le second : Les promesses que nous tenons, qui vient de sortir.

Les missions de la gendarmerie de l’air

Avant d’aborder le récit, précisons quelques éléments. La gendarmerie de l’air (GA) – qui fait partie de la gendarmerie nationale, bien que placée pour emploi auprès du chef d’état-major de l’armée de l’air – est spécialisée dans la protection des bases aériennes et la sécurité aérienne militaire. Elle assure la sûreté des sites militaires, gère les accidents aériens et mène des missions de police judiciaire. Les 42 brigades de gendarmerie de l’air (BGA) sont réparties entre les zones nord et sud. Un aspect particulier de leur mission est le contrôle transfrontalier, notamment à la BGA d’Orléans, qui vérifie les documents des passagers de l’espace Schengen.

La gendarmerie de l’air assure également la sécurité lors d’événements, comme les meetings aériens. Enfin, elle gère la protection de sites sensibles, comme le ministère des Armées à Balard, où elle assure la sécurité et les contrôles d’accès. Quant à la Section de recherches (SR) de la GA, sa mission principale consiste à enquêter sur les accidents et les incidents graves d’aéronefs militaires. Dès qu’un événement est signalé, la SR est déployée sur le terrain. Elle mène également des enquêtes sur des infractions de droit commun ou d’ordre militaire.

Sur les traces du « Loup de Nancy »

Dans Les promesses que nous tenons, on découvre une intrigue bien montée qui conduit le capitaine, membre de la Section de recherches (SR) de la gendarmerie de l’air, à reprendre une enquête qu’il pensait conclue sur un tueur en série baptisé « Le loup de Nancy », particulièrement rusé et dangereux. En mission en Normandie après le crash d’un mirage, en compagnie de la brillante et séduisante adjudante Léna Rossi, il lui laisse les commandes dans l’urgence et prend la route de la région Grand-Est pour rejoindre son ancien camarade, le major Guilhem Marck, avec lequel il avait traqué l’assassin sociopathe.

Après la découverte du cadavre d’une femme blonde dans un véhicule de gendarmerie abandonné en pleine forêt de Marbache – exactement sur le théâtre d’opérations du « loup de Nancy » onze ans plus tôt – le capitaine voit resurgir de vieux cauchemars. En effet, il pensait l’avoir tué, en situation de légitime défense… Or, le « loup » est bel et bien vivant. Il reprend une enquête difficile, très sensible politiquement, et qui va simultanément le stimuler et l’épuiser. Un phénomène bien connu chez les officiers de police judiciaire…

L’ensemble est-il crédible ? Oui. D’abord parce que la structure et les bases de l’histoire collent à la réalité. La forêt de Marbache est située à quelques kilomètres au nord-ouest de la base, sur le territoire de la commune de Marbache, dans le département de Meurthe-et-Moselle. Elle fait partie de la zone géographique environnante de la base aérienne, secteur qui implique la présence de la gendarmerie de l’air et de sa section de recherches.

Crash du mirage

Par ailleurs, les relations entre les gendarmes sonnent juste. La hiérarchie y règne, mais de façon souple, car l’on se trouve dans des unités très spécialisées, techniques (GA et SR), où l’expertise (judiciaire, aéronautique) rassemble tout autant que la condition militaire. Quant à l’obsession qui peut tarauder un enquêteur durant plusieurs années, elle s’inscrit aussi dans la réalité observée. Qu’ils soient gendarmes ou policiers, les membres des unités de police judiciaire vivent leurs enquêtes H24.

Autre bon point : la perspective criminologique, très présente, notamment lorsqu’il s’agit de comprendre pourquoi le tueur a cessé ses crimes pendant onze ans ; les pistes sont explorées méthodiquement : a-t-il été contraint par des blessures graves à une mise en retrait ? A-t-il été emprisonné dans le cadre d’un autre dossier ? Est-il un individu atteint d’une pathologie mentale qu’une camisole chimique a provisoirement neutralisé ? Le chemin de traque apparaît méthodique et donne de la substance à l’action.

Parallèlement, l’enquête entremêlée que poursuit Léna Rossi sur l’affaire de Normandie offre un souffle bienvenu à l’intrigue principale et sème quelques éléments d’actualité fort intéressants. En l’occurrence, la responsabilité d’un drone dans le crash du Mirage… Ce qui renforce encore l’impression d’une adhérence forte de la bande dessinée aux réflexions les plus actuelles que se posent l’armée et la gendarmerie de l’air. Certes, d’aucuns diront peut-être que la mise en scène des assassinats (femmes blondes, habillées d’une robe rouge, découverte dans des véhicules de gendarmerie volés, une paire de Louboutin à côté d’elles) sent un peu trop la série américaine… Il n’empêche que l’ensemble tient plus que la route.

Source : www.lepoint.fr