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« Je ne contracte pas » : dans le Nord, le contrôle routier d’un complotiste se terminera au tribunal

La vidéo du contrôle routier d’un conducteur complotiste est devenue virale ces derniers jours, les faits se sont déroulés dans le Nord le 1er avril dernier.

Le contrôle routier d’un automobiliste complotiste à Esquelbecq. (Capture d’écran)
Le contrôle routier d’un automobiliste complotiste à Esquelbecq. (Capture d’écran)

Par Antoine Maes

Publié: 5 Avril 2024 à 22h10 Modifié: 6 Avril 2024 à 07h12

« Je n’appartiens plus à l’entreprise République française présidence ». Depuis quelques jours, la vidéo d’un homme tenant des propos complotistes alors qu’il refuse de se soumettre à un test d’alcoolémie lors d’un contrôle routier est très partagée sur les réseaux sociaux : elle a été vue plus de 30 millions de fois. Argument du conducteur : « je ne contracte pas ». Une phrase devenue une tendance jeudi sur X (ex-Twitter).

Selon nos informations ce contrôle a eu lieu le 1er avril 2024 sur la commune d’Esquelbecq. Le conducteur refuse de s’y soumettre. Le parquet de Dunkerque précise : «il a prétexté que la France était une entreprise dont les lois n’auraient qu’une valeur de «règlements intérieurs» dont il ne relèverait pas». L’homme âgé de 52 ans est interpellé par les gendarmes de la brigade motorisée de Hoymille, qui lui notifient sa garde à vue après avoir brisé la vitre de sa voiture.

Il est convoqué le 1er octobre prochain devant le tribunal correctionnel de Dunkerque et sera jugé pour «refus de se soumettre aux vérifications du véhicule et du conducteur, refus de se soumettre aux vérifications relatives à l’état alcoolique, refus de se soumettre aux vérifications relatives à l’usage de stupéfiants, défaut d’assurance et violences volontaires sur un militaire de la gendarmerie sans incapacité». Il risque cinq ans d’emprisonnement et 75000 euros d’amende.

La théorie complotiste de la «fraude du nom légal»

Le discours de Pierre, c’est son prénom, ainsi que celui de son épouse Laëtitia, présente au moment des faits et qui a filmé la séquence avant de la publier sur son compte Facebook, relève de la mouvance complotiste de la « fraude du nom légal ». Ils défendent l’idée que la France serait une entreprise privée depuis 1947.

Selon le site Conspiracy Watch, spécialisé dans le conspirationnisme, cette théorie assure que « l’État volerait secrètement à chacun de ses administrés son « nom légal », autrement dit sa « personnalité juridique », le tout avec la complicité des fonctionnaires chargés d’enregistrer l’état civil, des magistrats, des banquiers et des médias ».

Cette mouvance « est apparue aux États-Unis dans les années 1970, et à l’origine elle était liée à des groupuscules plutôt d’extrême droite, antisystème, anti état-fédéral, pas loin des mouvances survivalistes à l’américaine » précise à La Voix du Nord Tristan Mendès-France, maître de conférences associé à l’université de Paris et spécialisé dans les cultures numériques.

Il fait le rapprochement avec la mouvance des « citoyens souverains », qualifiés aux États-Unis de « menace domestique » par le FBI depuis 2011, et la participation d’un de ses membres à l’attentat d’Oklahoma en 1995, qui avait fait 168 morts. En France, ces idées seraient selon lui « très marginales » mais défendent des « postures radicales ». « En termes d’amendes, de conséquences judiciaires, de perte d’emploi ou d’aides sociales, bref sur le terrain social, c’est dévastateur. C’est un pack global qui expulse de la société et qui va les broyer », prévient Tristan Mendès-France.

Il dit avoir avoir «refusé de se soumettre»

Contacté vendredi matin par La Voix du Nord, Pierre, le conducteur du véhicule a le tutoiement facile et le ton affable. S’il s’est opposé au contrôle des gendarmes, c’est parce qu’il a « refusé de (se) soumettre ». Il raconte aussi ce qui s’est passé après la fin de la vidéo, lorsque les militaires décident finalement de briser les vitres de son véhicule et de l’interpeller. On lui a d’abord « passé les menottes à l’arrière » avant de lui « annoncer qu’il était en garde à vue ». À la gendarmerie, il dit avoir été placé en cellule de dégrisement où il a été « très bien traité » : « mais je n’avais bu que deux bières, en mangeant », promet-il.

Il indique également que son véhicule n’était pas assuré et n’était pas à jour de son contrôle technique. Et confirme que tout cela est lié aux idées exposées dans la vidéo. D’ailleurs, cet artisan de formation n’a pas non plus de pièce d’identité mais une carte jaune à son nom et siglée « International Common Law Court ». Il dit avoir découvert les concepts de la « fraude au nom légal » début 2022 : son épouse Laëtitia, infirmière libérale mais opposée à la vaccination contre le Covid, ne pouvait plus exercer.

Originaires du Nord, ils sont installés depuis 10 ans dans la Drôme. Il est aujourd’hui sans emploi, elle est en arrêt maladie. Mais ils espèrent pouvoir ouvrir leurs cabinets, tous les deux dans le domaine de la santé alternative. Remontés dans le Nord pour y ramener la belle-mère de Pierre. Ils avaient prévu de repartir ces jours-ci. Mais depuis le contrôle, la voiture est à la fourrière : ils ne pourront pas la récupérer avant lundi.

Source : www.lavoixdunord.fr

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