Sécurité routière : « Nous sommes les messagers du pire » confie le colonel Jean-Jacques Haye de la gendarmerie d’Orléans

Publié le dimanche 18 mai 2025 à 18:00
Un accident de la route mortel provoque toujours un séisme chez les proches de la victime. Cela laisse également des traces chez les gendarmes chargés d’annoncer la nouvelle. Le colonel Jean-Jacques Haye, basé à Orléans, y a été confronté à plusieurs reprises au cours de sa carrière.
Sonner chez quelqu’un en plein milieu d’un repas de famille, en train de faire du jardinage ou encore au beau milieu de la nuit, et faire basculer sa vie en une fraction de seconde en lui annonçant la mort d’un fils, d’une fille ou encore d’un conjoint. Bien des années plus tard, le colonel Jean-Jacques Haye se souvient encore parfaitement de ces moments. « Je pensais les avoir oublié. Mais je me souviens très bien des visages. Les visages des personnes à qui j’ai annoncé la mort d’un proche » confie le haut-gradé dans son bureau de la gendarmerie d’Orléans.
Aujourd’hui chef de la division de l’appui opérationnel de la région Centre-Val-de-Loire, le militaire a dû annoncer, à plusieurs reprises au cours de ses 30 années de carrière, des drames liés à des accidents de la route. La première fois ? Il s’en souvient comme si c’était hier. « Je travaillais en Dordogne à ce moment-là, raconte le colonel. Nous sommes appelés à la radio pour un accident qui s’est produit sur une petite route. » Au milieu de la chaussée, une voiture retournée sur le toit, à l’intérieur, un jeune homme de 24 ans qui rentrait du travail. Il succombe à ses blessures.
« Notre annonce, c’est la mort de leur vie telle qu’elle était jusqu’à présent »
Jean-Jacques Haye doit annoncer la terrible nouvelle à la compagne de la victime : « Nous n’étions pas formés sur le sujet à cette époque. Donc c’était compliqué, il y avait de l’appréhension. J’ai sonné chez cette dame pour lui dire que son petit ami était décédé, c’était un jeune couple, ils allaient se marier. » Dès que le gendarme se mue en « messager du pire« , il se retrouve devant le même type de réaction. Une forme de stupéfaction envahit les victimes, qui mettent en doutent les propos du militaire. « Ce n’est pas dans l’ordre naturel des choses pour eux, explique Jean-Jacques Haye. Notre annonce, c’est la mort de leur vie telle qu’elle était jusqu’à présent.«
Après l’annonce, le contrecoup est également compliqué à gérer pour les militaires. Solitude, culpabilité : là aussi, ce sont les mêmes émotions qui reviennent chaque fois. « Quand j’ai commencé dans la gendarmerie, on avait droit à une tape dans le dos de notre supérieur qui nous disait ‘ça va ?’ Et après, il fallait faire comme si de rien n’était. On se sentait très seul » se souvient le colonel Jean-Jacques Haye. Désormais, des psychologues accompagnent les agents, discutent avec eux pour surmonter le choc. Même si certaines traces demeurent indélébiles selon le haut gradé : « Je reste encore marqué par ces annonces. Cela nous change, il faut vivre avec.«
Source : www.francebleu.fr