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Le - Qui sont les enquêteurs qui recherchent les œuvres d’art comme celles du Louvre ?

Peintures volées, objets contrefaits… Qui sont les enquêteurs qui recherchent les œuvres d’art comme celles du Louvre ?

Interview • Co-saisis de l’enquête sur le cambriolage du Louvre, les enquêteurs de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels œuvrent à retrouver les voleurs spécialisés et les objets d’art

Les enquêteurs de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) sont co-saisis de l'enquête sur le cambriolage du Louvre.
Les enquêteurs de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) sont co-saisis de l’enquête sur le cambriolage du Louvre. - Thomas Padilla/AP/SIPA

Propos recueillis par Cécile De Sèze

L’essentiel

  • L’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) est le service chargé du trafic des biens culturels, dont les œuvres d’art.
  • Qu’elles soient volées, contrefaites, pillées, les enquêteurs interviennent pour tenter de retrouver les auteurs et les objets.
  • Le colonel de gendarmerie à l’OCBC, Jean-Baptiste Félicité, explique comment fonctionne le service.

C’est Indiana Jones qui fusionne avec Hercule Poirot. La trentaine d’enquêteurs, gendarmes et policiers, de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) sont chargés de retrouver les objets, bijoux et œuvres d’art qui ont été volés, pillés, cambriolés…

Co-saisis de l’enquête sur le casse du Louvre avec la Brigade de répression du banditisme (BRB), ils sont spécialisés dans le trafic de biens culturels et œuvrent à remettre les choses précieuses du patrimoine national ou privé à leur place. Jean-Baptiste Félicité, colonel de gendarmerie à l’OCBC, peint les missions et l’ampleur du travail de ces enquêteurs de l’ombre à la recherche des trésors. Entretien.

De quoi se charge exactement l’Office central de lutte contre le trafic des bien culturels ?

L’unité a des compétences judiciaires pour enquêter, seule ou en co-saisine avec d’autres services régionaux ou étrangers. On suit spécifiquement tout ce qui tient au trafic de biens culturels : vol, recels, faux, contrefaçons, pillage archéologique en France ou à l’étranger avec des transactions sur notre territoire, blanchiment… Donc on a une approche assez large.

Et on est aussi chargés d’établir un état de la menace dans notre contentieux pour échanger avec les autorités judiciaires, avec les autres services de police et gendarmerie, avec les renseignements…

Les enquêteurs ont-ils une formation spécifique ?

Ce sont principalement des passionnés d’art, beaucoup ont un intérêt personnel pour la matière. Quand ils candidatent pour entrer à l’OCBC, c’est une façon d’associer un hobby et son métier. Certains ont eu une expérience dans les métiers de l’art mais on est sur un petit effectif et l’acquisition du savoir le plus pointu possible se fait un peu sur une sorte de compagnonnage.

Quelle est la démarche à suivre des enquêteurs quand votre service est saisi d’une enquête ?

Comme toute enquête, on est sur des actes de police, des auditions de plainte, on va confronter les témoignages, demander qui est la dernière personne qui a vu l’œuvre. Il peut aussi y avoir des prélèvements, surtout s’il y a une effraction comme une vitrine ou une fenêtre brisée.

Entre l’œuvre et le voleur, quelle est la priorité de l’OCBC ?

Le but c’est d’interpeller les auteurs et découvrir le plus vite possible les objets volés. Mais les deux approches se complètent. Partir des auteurs pour tenter de les tracer et surveiller le marché de l’art, les maisons de vente, les sites d’enchères en ligne, de vente entre particuliers.

Dans le flagrant délit, on va chercher à trouver les deux. Mais lors de sa création, l’office était très centré sur les biens culturels. Dans certains cas, le service a récupéré les objets volés, parfois dans un autre pays, mais n’a pas conduit d’enquête sur les auteurs. C’est satisfaisant pour le musée qui a été cambriolé mais si on n’arrête pas les voleurs spécialisés, les choses risques de continuer. Donc on a besoin de travailler sur les objets et les personnes. Toutefois plus les faits sont lointains, plus on va se concentrer sur le bien et moins les auteurs.

Quelle est l’étendue de votre travail ?

Au niveau national on a en moyenne entre 1.000 et 1.300 enquêtes ouvertes pour des vols de biens culturels par an, toutes ne sont pas suivies par l’OCBC. En ce moment, on compte entre 60 et 80 enquêtes pour lesquelles notre service a été saisi, plus ou moins récentes. Et plus de 95.000 objets volés sont actuellement dans la base de données et donc recherchés.

Ces recherches peuvent aussi bien concerner des objets en France qu’à l’étranger, car des pays peuvent nous solliciter pour des œuvres volées chez eux et qui sont susceptibles d’être vendues en France.

C’est impossible de dire combien de temps dure une enquête en moyenne, il y a tout type de cas. L’office doit traiter les affaires les plus complexes et qui ont une dimension internationale. Au bout d’un certain temps, un enquêteur en commissariat ou en gendarmerie aura d’autres faits à traiter donc ce sont les services plus spécialisés qui prennent le relais, c’est la même chose pour les cold cases.

Comment gardez-vous un œil sur les milliers d’objets dans la nature ?

L’office administre le fichier national des objets d’art volés, Treima. Le fichier a été créé dans les années 1990 et est modernisé régulièrement. Le vol est aussi signalé à Interpol, ainsi sur le marché de l’art, ces objets peuvent être facilement identifiés par un acheteur, même dans un pays étranger.

Un objet qui fait partie d’une collection publique, d’un musée, il est inaliénable, même s’il réapparaît sur le marché de nombreuses années plus tard. Il y a parfois des faits très anciens, pour lesquels l’objet a été vendu entre plusieurs personnes et grâce au fichier, on peut quand même réussir à les récupérer. C’est arrivé pour deux pièces d’armure appartenant au Louvre volées dans les années 1980 restituées près de 40 ans plus tard, mi-janvier 2021.

Avec notre base d’objets volés, on travaille sur le développement d’un logiciel de reconnaissance d’images avec l’intelligence artificielle, au niveau européen. Ce logiciel, Artefact, est déjà effectif en France. C’est un peu le même principe que le fichier des empruntes digitales.

Comment fonctionne ce logiciel ?

Grâce à la reconnaissance de l’intelligence artificielle, il marche très bien pour reconnaître les tableaux, tout ce qui va être en deux dimensions. Sur les objets en trois dimensions, comme les bijoux ou les vases, c’est en cours d’amélioration. L’idée c’est de pousser les capacités de l’outil pour détecter au mieux l’œuvre quand elle est mise en vente sur Internet.Nos derniers articles sur le cambriolage du Louvre

Depuis deux ans, on a environ une vingtaine d’objets reconnus, donc quasiment un par mois. Mais derrière, il faut les vérifier car il peut y avoir des faux ou un objet ressemblant d’une autre série mais qui ne fait pas partie des œuvres volées, comme pour les bronzes de Rodin qui sont numérotés. La reconnaissance n’est pas infaillible.

Comment identifie-t-on une œuvre ?

L’identification d’un bien volé, c’est un peu le jeu des 7 erreurs. Si le logiciel rapproche deux images, l’enquêteur va chercher les différences. S’il y en a aucune, il y a de forte chance que ce soit l’objet recherché.

Sur l’authentification, il faut regarder la signature, les pigments, on peut aller demander une expertise scientifique pour dater la toile par exemple.

Source : www.20minutes.fr