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Lille: Quand la gendarmerie se retrouve sur le banc des accusés

PROCES Quatre gendarmes étaient appelés à comparaître pour expliquer leur rôle dans l’affaire de trafic d’armes démantelée par la police…

Gilles Durand  — 

Illustration d’un camion de gendamerie. — Olivier Aballain / 20 Minutes

  • Quatre gendarmes comparaissaient comme témoins dans le procès d’un réseau présumé de trafic d’armes.
  • Le principal accusé affirme qu’il était en service commandé de la gendarmerie.
  • Certaines armes se sont retrouvées dans les mains d’Amédy Coulibaly, le terroriste de l’Hyper Cacher.

« Claude Hermant était une source fiable ». Les gendarmes auditionnés, mercredi, au tribunal de Lille, dans le cadre du procès d’un réseau présumé de trafic d’armes, étaient formels. Ils étaient quatre à devoir répondre de leur relation avec le principal accusé de ce dossier, Claude Hermant, militant nordiste de la mouvance radicale d’extrême droite, mais aussi ancien indicateur de la section de recherche de la gendarmerie, de Villeneuve d’Ascq.

En service commandé ?

Car pour sa défense, l’indic met en cause certains gendarmes. Quand il s’est fait serrer par la police en janvier 2015, il a affirmé travailler en service commandé pour la gendarmerie dans ce vaste trafic démantelé : environ 460 armes dont six se sont retrouvées dans les mains d’Amedy Coulibaly, le terroriste de l’Hyper Cacher.

>> A lire aussi : Procès d’un trafic d’armes entouré de nombreuses zones d’ombre

« Si on avait eu un doute sur le fait qu’il se livrait à un trafic, on l’aurait dénoncé », souligne, à la barre, un des enquêteurs accusés par Claude Hermant. Et de plonger dans la tambouille interne des méthodes d’investigation et du rôle des indicateurs.

Grâce aux renseignements du militant d’extrême-droite, la gendarmerie parvient, en 2014, à démanteler un réseau de trafiquants d’armes dans le Pas-de-Calais, puis à localiser une production illicite de cannabis. Autant de succès qui incitent les gendarmes à considérer leur informateur comme « fiable ».

Arrêté par la police

Jusqu’à ce que les enquêteurs apprennent « par la presse », l’arrestation de Claude Hermant en janvier 2015. La police judiciaire surveillait ses agissements troubles depuis près d’un an, grâce aussi à un indic.

A défaut d’avoir couvert ses activités, la gendarmerie a-t-elle été naïve dans la gestion de son informateur ? Les gendarmes questionnés confirment que, quelques mois avant son arrestation, Claude Hermant avait évoqué avoir des informations sur l’existence d’un trafic entre la France et la Belgique. Par mail, l’informateur avait même écrit : « J’ai mis le nez dans une affaire où un chien ne mettrait pas la queue ». « On attendait un rendez-vous physique avec lui pour qu’il nous donne des détails », assurent les gendarmes. Rendez-vous qui n’aura jamais lieu.

Pour couronner le tout, il s’avère que Claude Hermant avait été aussi indicateur pour les douanes, mais il avait été désinscrit en 2012, sans que la gendarmerie ne soit mise au courant. Tout comme l’institution ignorait que son « indic » était fiché « S », faute d’avoir accès à ces fichiers.

Sourcewww.20minutes.fr

AFFAIRE HERMANT

Un colonel de gendarmerie décrypte la gestion des « indics » devant le tribunal de Lille

PHOTO BAZIZ CHIBANE

PHOTO BAZIZ CHIBANE 

L’homme est raide dans son costume gris. Le cheveu coupé en brosse et le ton martial, le colonel X. rappelle l’ histoire des indics. Soulignant que Vidocq, grand flic originaire du Nord, en était friand. Puis la loi, toute la loi, rien que la loi. La loi Perben II du 13 mars 2004 autorise et encadre l’utilisation des « aviseurs » par les services d’enquête. Sur le plan plus local, le colonel X. est formel. La section de recherche (SR) du Nord-Pas-de-Calais, qu’il dirige depuis 2014, a toujours respecté ce cadre, y compris les circulaires affinant son application. Interpellé pour avoir importé des armes de Slovaquie, soupçonné d’en avoir fourni de grandes quantités à un Roubaisien censé alimenter des réseaux de gangsters, Claude Hermant, 54 ans, assure avoir agi en concertation avec des gendarmes de la SR de Lille.

« J’ai fait le choix de le désinscrire de la liste des sources et de le blacklister »

Douze comptes-rendus

Le cas spécifique Claude Hermant ? L’officier admet que la figure de l’ultradroite lilloise a été recrutée par son service en mars 2013. Le patron du snack lillois la Frite Rit sera finalement définitivement radié le 3 avril 2015. « J’ai fait le choix de le désinscrire de la liste des sources et de le blacklister, complète le colonel X. J’ai également personnellement appuyé la demande de déclassification des rapports concernant Hermant.  » Et d’insister sur le cadre réglementaire : chaque rencontre avec un « indic » est suivie d’un rapport. «  M. Hermant a fait l’objet de douze échanges, suivis de douze compte rendus, martèle l’officier. Ils ont tous été déclassifiés.  » Si Claude Hermant, fiché S, a trafiqué des armes, ce n’est pas avec l’aval, y compris occulte, de gendarmes espérant ainsi faire tomber des groupes mafieux. Certainement pas.

Deux bémols cependant soulevés par le président Marc Trevidic. Les rapports déclassifiés comportent souvent des parties largement noircies avant livraison aux juges d’instruction. Il existe visiblement un fichier national des sources blacklistées. Et ce afin d’éviter qu’un service d’enquête récupère un aviseur considéré comme peu fiable par un autre. Selon les débats, la douane est censée avoir blacklisté Claude Hermant en 2012. Cela n’a pas empêché la gendarmerie de le recruter un an plus tard. Emmanuel Riglaire, avocat d’un douanier poursuivi dans ce dossier, rappelle que Claude Hermant n’a pas été blacklisté par la douane.

Sourcewww.lavoixdunord.fr

Au procès pour trafic d’armes, un colonel de gendarmerie confirme le statut d’indicateur d’Hermant

Au procès de Claude Hermant. / © MAXPPP

Au procès de Claude Hermant. / © MAXPPP

Par Jeanne Blanquart avec AFP 

« Il a été recruté par mon prédécesseur le 13 mars 2013 et a été « blacklisté » le 3 avril 2015« , a déclaré à la barre du tribunal correctionnel le colonel Jérôme Pichard, à la tête de la Section de recherche de Lille-Villeneuve d’Ascq. Le militaire a reconnu qu’Hermant avait empoché 2.000 euros pour une affaire, une somme qualifiée « d’importante » par M. Pichard, preuve qu’il a pu être utile aux « services« .

En tout, douze rapports d’échanges, majoritairement pour des affaires de trafic d’armes, ont été rédigés sur la base d’informations livrés par M. Hermant, selon le colonel. En général sur la masse des renseignements fournis par les « indics », à peine 10% étaient vraiment utiles, a-t-il cependant estimé.

Hermant, 54 ans, figure de l’extrême droite identitaire lilloise, en détention provisoire depuis janvier 2015 mais au casier judiciaire vierge, est le prévenu « transversal » de cette vaste affaire portant sur près de 500 armes, ayant nécessité plus de deux ans et demi d’instruction. Six ont fini dans les mains du jihadiste Amedy Coulibaly qui a assassiné en janvier 2015 quatre personnes dans un Hyper Cacher à Paris, avant d’être tué. La veille, il avait tué une policière à Montrouge.

Au procès pour trafic d’armes, un colonel de gendarmerie confirme le statut d’indicateur d’Hermant
Un colonel de gendarmerie a confirmé mercredi devant le tribunal de Lille que Claude Hermant, soupçonné d’être au coeur d’un trafic d’armes dont six ont servi à Amedy Coulibaly dans l’attentat de l’Hyper Cacher et Montrouge, a bien été recruté en 2013 comme « indicateur ».

Armes démilitarisées

D’après sa défense, Hermant a importé des armes démilitarisées d’Europe de l’Est via la société de sa femme pour conduire des missions d’infiltration et de renseignement. Alors qu’une avocate s’étonnait du recrutement d’Hermant par les gendarmes, qui était selon elle « fiché S » (pour sûreté de l’Etat, en raison de ses liens avec l’ultra droite), le président du tribunal Marc Trévidic a rétorqué : « des fichiers S qui sont des sources, il y en a des tas!« .

Hermant, comme neuf autres prévenus dont Samir Ladjali, l’un des intermédiaires présumés d’Amedy Coulibaly, encourt dix ans de prison pour trafic d’armes en bande organisée. Selon Muriel Cuadrado, avocate de l’un des prévenus, Claude Hermant, de par son positionnement idéologique, donnait des informations car « il considérait que la police n’en faisait pas suffisamment. C’est très bien vu dans son milieu« . Trois autres gendarmes, qui auraient été en contact avec Hermant, sont également appelés à la barre mercredi.

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