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Le - La téléconsultation en garde à vue pour pallier le manque de médecins

La téléconsultation en garde à vue pour pallier le manque de médecins : « à l’hôpital, les temps d’attente sont de 2 à 3 heures »

Les gardés à vue de la gendarmerie de Senlis ont la possibilité de recourir à une téléconsultation depuis jeudi 20 février 2025. • © Procureur de la République de Senlis

Écrit par Inès Messaï

Publié le 21/02/2025 à 11h08

Face à la pénurie de médecins disponibles pour intervenir durant les gardes à vue, la compagnie de gendarmerie de Senlis souhaitait depuis plusieurs années pouvoir recourir à la téléconsultation. Ce jeudi 20 février 2025, c’est chose faite. Une convention a été signée avec le parquet pour en autoriser la pratique.

Désormais, les gardés à vue de Senlis pourront consulter un médecin, comme le prévoit la loi, mais à distance et dans des délais plus courts. C’est une idée venue du terrain, comme l’indique Loïc Abrial, procureur de la République de Senlis : « En 2022 on a été confrontés à la fermeture des urgences de l’hôpital de Senlis qui a conduit à une diminution de la possibilité de recourir à des médecins de l’hôpital pour les examens de gardés à vue. C’est pour ça que mon prédécesseur avait imaginé ce moyen de recourir à la téléconsultation. J’ai repris le dossier à l’été 2022 – quand je suis arrivé – pour le concrétiser, mais on a été confronté à un cadre juridique qui ne se prononçait pas clairement sur le sujet« .

Le procureur de la République de Senlis, Loïc Abrial et le commandant de la compagnie de gendarmerie de Senlis, Julie Parent, ont signé une convention pour l'utilisation de la borne de téléconsultation jeudi 20 février 2025.
Le procureur de la République de Senlis, Loïc Abrial et le commandant de la compagnie de gendarmerie de Senlis, Julie Parent, ont signé une convention pour l’utilisation de la borne de téléconsultation jeudi 20 février 2025. • © Procureur de la République de Senlis

Après des délibérations entre le ministère de la Santé et le ministère de la Justice, une proposition commune a été annoncée. Le texte prévoyait la possibilité de recourir à la téléconsultation, mais uniquement lors de la prolongation des gardes à vue. Il a été officialisé par la loi d’orientation de programmation du ministère de la Justice du 20 novembre 2023 qui a introduit la possibilité de la téléconsultation médicale.

Une aubaine pour les forces de l’ordre du département. À la suite de la fermeture de l’hôpital de Senlis, la compagnie de gendarmerie de Senlis, celle de Chantilly et le commissariat de Creil étaient tous dirigés vers les urgences de Creil en dehors des temps d’ouverture de l’unité médico-judiciaire, entre 8h et 16h30.

Réduire les délais de prise en charge

« L’enquêteur a trois heures pour faire toutes les diligences pour que le gradé à vue puisse voir un médecin. Et parfois, à l’hôpital, il y a des temps d’attente de 2-3 heures, mais ça peut dépasser« , raconte le lieutenant-colonel Parent qui dirige la compagnie de gendarmerie de Senlis.

Pour elle, cette expérimentation permet de mieux garantir les droits des mis en cause : « parfois, on a des enquêteurs qui restent bien plus que ça aux urgences à attendre. Donc dans ce cadre-là, on ne peut permettre au gardé à vue de voir un médecin dans les temps. Ça va aussi dans leur sens« .

Ces délais sont désormais bien moindres. Le dispositif a été expérimenté pour la première fois ce jeudi 20 février et le lieutenant-colonel Parent semble satisfaite : « Du moment de la connexion sur la borne, au moment où on rentre le mot de passe et jusqu’à ce qu’on reçoive le certificat médical, il s’était écoulé 20 minutes. J’avais pris ma montre pour regarder. 20 minutes !« .

Un dispositif limité pour l’instant

Ce dispositif permet de gagner du temps, mais il reste très encadré. D’abord, la téléconsultation peut être refusée par le gardé à vue. Par ailleurs, la loi prévoit une consultation physique obligatoire pour les mineurs, les personnes qui ont des pathologies nécessitant un traitement médical, les femmes enceintes et pour les personnes qui ont été blessées au cours de l’interpellation. Le procureur peut aussi s’opposer à la téléconsultation s’il juge que c’est nécessaire.

Procureur et commandant de gendarmerie se disent tous deux ouverts à l’élargissement du cadre de ce dispositif en fonction de ses résultats sur le terrain. Alors qu’il est, pour l’instant, unique en France, il pourrait aussi être étendu à d’autres territoires.

Source : france3-regions.francetvinfo.fr