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Avec les gendarmes de haute montagne, les anges gardiens des sommets

Avant l’arrivée de centaines de milliers de touristes dans les stations de ski de Savoie, ce week-end, nous avons passé trois jours avec le PGHM, le Peloton de gendarmerie de haute montagne.

Tignes (Savoie), le 5 février 2020. Le PGHM de Modane intervient sur les pistes afin de soigner et évacuer par hélicoptère un skieur dont le bras a été sévèrement entaillé par la carre d’un ski. LP/Yann Foreix

Par Vincent Gautronneau, avec Yann ForeixLe 8 février 2020 à 08h33

Encore une fois, leur repas sera froid. Comme presque toujours quand le soleil brille sur les montagnes. Ce mercredi, Frédéric Arnoult, le médecin urgentiste du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Modane (Savoie) vient de s’installer à table quand la radio crépite. « C’est toujours à cette heure-ci que ça commence », glisse le docteur.

Le service des pistes de Tignes vient de prendre en charge un skieur blessé au bras. Percuté par un snowboardeur, il a une vilaine plaie à avant-bras et une évacuation rapide vers un hôpital est vitale. Le trajet prendrait des heures aux pisteurs de Tignes. Au téléphone, tel un médecin régulateur du Samu, Frédéric Arnoult recueille les premières informations. Et tranche : le cas est sérieux, il faut se rendre sur place.

Sylvain et Michaël, deux secouristes du PGHM, mettent leur baudrier et grimpent avec le médecin à bord de l’EC145 de la gendarmerie. L’hélicoptère s’envole, glisse au milieu des sommets enneigés de la vallée de la Maurienne et remonte vers Tignes. Dix minutes plus tard, David pose l’appareil sur les pistes de la station, dans un nuage de neige. Sylvain et Michaël sautent de l’appareil sous un souffle impressionnant…

Le blessé est pris en charge par le médecin urgentiste, qui stoppe l’hémorragie, avant d’être embarqué dans l’hélicoptère, direction le bloc opératoire de l’hôpital de Bourg-Saint-Maurice. Il aura fallu à peine 30 minutes aux gendarmes du PGHM pour transporter le blessé à l’hôpital. Un temps d’intervention extrêmement court dans ce secteur montagneux difficile d’accès en voiture.

Pendant les vacances, une hausse des collisions sur les pistes

Des interventions comme celle-ci, les 33 secouristes du PGHM de Savoie, basés à Modane et Courchevel, se préparent à en réaliser des dizaines pendant les semaines qui viennent. Près de 900 000 touristes sont ainsi attendus toutes les semaines en Savoie, qui accueille certaines des plus grandes stations de ski au monde, durant les vacances scolaires.

« La hausse de la fréquentation entraîne une hausse des interventions, notamment les collisions sur piste, souligne le chef d’escadron Patrice Ribes, patron du PGHM de Savoie. Même si notre cœur de métier est la montagne, nous intervenons en station quand une blessure nécessite l’intervention d’un médecin en urgence. » Soucis cardiaques, fractures du fémur, plaies ouvertes, traumatismes au niveau de la colonne vertébrale… autant de pathologies urgentes gérées par le PGHM de Savoie qui dispose de trois hélicoptères durant les vacances scolaires.

Une période agitée pour ces gendarmes, qui rencontrent alors « une population qui connaît moins la montagne, confie le major Laurent Colliaut, en poste à Courchevel. C’est pourtant une zone dangereuse où les choses peuvent vite dégénérer. » Ce lundi soir, un jeune skieur en vacances en a fait l’expérience. Parti skier avec deux amis, il s’est égaré en dehors des pistes peu avant la tombée de la nuit. Incapable de retrouver son chemin, il a eu le bon réflexe d’envoyer sa position à ses amis qui ont alerté le PGHM.

L’hélicoptère de Modane part donc à sa recherche, « car le jeune homme est peu équipé, il ne répond plus à son téléphone et pourrait être en grand danger s’il doit passer la nuit dehors », souffle le commandant Ribes. Peu avant 20 heures, le touriste est finalement découvert… emmitouflé sous la couette d’un chalet dont il avait cassé la vitre pour se mettre à l’abri.

« Cette fois, ça se termine bien, remarque le patron du PGHM Savoie. Mais c’est aussi le bon exemple du manque de connaissances du milieu qui peut parfois avoir de terribles conséquences. Il y a quelques bases à observer : partir avec son téléphone chargé que l’on peut facilement géolocaliser, ne pas s’aventurer n’importe où, être équipé d’un détecteur de victimes d’avalanche et prendre un guide ou un moniteur si on veut faire du hors-piste. »

« La montagne ne pardonne pas toujours… »

Des professionnels de la montagne qui n’évitent pas tous les risques. Peu avant 16 heures ce mercredi, le PGHM de Modane est alerté d’une avalanche sur le domaine des 3 Vallées. En quelques instants, les visages des sauveteurs changent, les plaisanteries cessent. Un homme serait blessé, et un skieur coffré dans l’avalanche. Michaël embarque son chien de recherche à bord de l’hélicoptère. Cette fois-ci, tout se termine bien. Un touriste suédois emporté par la neige a survécu à une chute de 90 m.

« C’est un miracle, souffle Yannick, secouriste du PGHM. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas… La seule chose que l’on peut dire aux vacanciers qui arrivent c’est d’être très prudents, la montagne ne pardonne pas toujours… » Dix jours plus tôt, lui et son équipier n’avaient ainsi rien pu faire pour un skieur emporté par une avalanche à Valmeinier…

VIDÉO. Les images spectaculaires d’un hélicoptère en mission sauvetage en haute montagne

Des gendarmes secouristes, mais aussi enquêteurs

La montagne n’est pas la route : sur les pistes pas de limitation de vitesse ni d’interdiction de dépasser. Et rien n’interdit non plus le hors-piste. « La montagne n’est pourtant une zone de non-droit, des règles doivent être respectées », assure Patrice Ribes, patron du PGHM de Savoie.

C’est notamment le cas sur les pistes, où des règles de bonnes conduites sont en vigueur : maîtrise de la vitesse, stationnement sur le côté ou encore priorité au skieur en aval… Des règles qui n’ont pas force de loi, mais qu’il convient de respecter au risque de poursuites. Car si les gendarmes du PGHM sont avant tout des sauveteurs, ils se muent aussi en enquêteurs en cas d’accident grave.

Ce mercredi, après une chute entre deux pistes à La Toussuire, pendant que le médecin prodigue les premiers soins à une jeune femme, Yannick, gendarme au PGHM de Modane, photographie les skis de la blessée ou encore les barrières de sécurité installées par la station. Des éléments qui serviront si la situation est judiciarisée. « Même si les poursuites au pénal sont rares, tout accident causant des blessures entraîne une enquête, souligne le commandant Ribes. Les gens doivent savoir que leur responsabilité peut être engagée en cas d’accident, qu’ils s’exposent à payer des dommages et intérêts s’ils sont en faute et causent des blessures ou un décès. »

Tous les ans, une centaine d’enquêtes sont ainsi diligentées par le PGHM de Savoie. C’est notamment le cas lorsqu’un professionnel de la montagne, guide ou moniteur de ski, est en cause. Et c’est systématique en cas d’avalanche mortelle. Parfois co-saisi avec une section de recherche, le PGHM apporte alors « son expertise du milieu » et sa connaissance des bonnes pratiques en montagne.

L’antenne de Modane avait notamment participé à l’enquête sur l’avalanche qui avait coûté à la mort à six légionnaires en 2016 à Valfréjus et qui a abouti à la condamnation de quatre gradés pour homicides involontaires. Depuis le début de l’année, plusieurs enquêtes ont été ouvertes après des avalanches mortelles.

Source : www.leparisien.fr

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