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Le - Des efforts sur la gestion de crise en zone de montagne, notamment en matière de formation

« Nous allons porter nos efforts sur la gestion de crise en zone de montagne, notamment en matière de formation »

Général Hervé Renaud, adjoint au directeur des opérations et de l’emploi à la DGGN

« Nous allons porter nos efforts sur la gestion de crise en zone de montagne, notamment en matière de formation des officiers et gradés des unités spécialisées, appelés à exercer le commandement des opérations de secours. » C’est ce qu’indique le général Hervé Renaud, adjoint au directeur des opérations et de l’emploi, de la DGGN. Dans le cadre du salon des sports d’hiver du 2 au 5 novembre 2012 à Paris, auquel participe la gendarmerie, il présente à AEF Sécurité globale les fonctionnement et les enjeux de la gendarmerie en montagne. Pour l’assistance à personnes, l’objectif de la gendarmerie est aujourd’hui « d’optimiser l’emploi des unités spécialisées dans une logique de massif montagneux et non plus dans une logique départementale », indique-t-il. Concernant le rapport des gendarmes avec les pompiers, « arrivés plus récemment dans le champ des acteurs du secours en montagne », il rappelle qu’une circulaire du 6 juin 2011 « norme l’action des différents acteurs et définit dans quel cadre s’effectuent les missions de secours en montagne ». Il précise que « la situation se normalise dans la plupart des départements », même si « localement, certaines difficultés peuvent néanmoins subsister ».

AEF Sécurité globale : Quelles sont les particularités des secteurs de montagne pour la gendarmerie ?

Hervé Renaud : La montagne est un enjeu qui s’impose naturellement à la gendarmerie, puisqu’elle représente 30 % du territoire national, tant en métropole qu’outre-mer avec la Réunion : 6 000 gendarmes y exercent l’ensemble de leurs missions traditionnelles. Ce milieu spécifique a vu les enjeux de sécurité se multiplier depuis 50 ans : gestion de flux saisonniers croissants, sécurité publique, recherches de personnes, secours en montagne et enquêtes associées, atteintes à l’environnement, sécurité routière, gestion de grands événements et même parfois maintien de l’ordre public. En effet, il y a encore quelques années, le public séjournant en montagne était essentiellement familial, alors qu’aujourd’hui nous rencontrons des phénomènes de bandes en montagne, dans des stations qui pratiquent le low cost notamment.

Cela pose problème, car nous assistons à une confrontation entre ces individus souvent enivrés et le public familial traditionnel, et nous retrouvons parfois des caractéristiques de comportements qui n’ont rien à envier à certaines zones périurbaines. Nous connaissons ainsi aujourd’hui davantage de problématiques judiciaires et d’ordre public. S’agissant des interventions spécialisées d’assistance aux personnes, la gendarmerie de montagne effectue près de 5 000 interventions par an au profit d’environ 6 000 personnes. Les spécificités du milieu nécessitent des personnels hautement qualifiés.

Jusque dans les années 1950, l’État ne s’était pas structuré pour faire face aux événements en montagne. L’élément structurant fut la mort de deux alpinistes, Jean Vincendon et François Henry, en décembre 1956 dans le Mont Blanc, pratiquement sous l’oeil des caméras, mais à cause d’une organisation des secours loin d’être optimale. Cela a créé un choc dans l’opinion publique et entraîné l’émergence, en 1958, des pelotons de gendarmerie de haute montagne.

AEF Sécurité globale : Comment se compose la gendarmerie de montagne ?

Hervé Renaud : Environ 6 000 gendarmes servent dans 25 départements classés montagne. Ils sont affectés dans les 330 brigades territoriales classées « montagne », 28 unités de recherches judiciaires, dix escadrons de gendarmerie mobile, sept détachements aériens, 15 PGHM (pelotons de gendarmerie de haute montagne), cinq pelotons de montagne, 23 équipes cynophiles d’avalanches et le centre national d’instruction de ski et d’alpinisme. Elle compte 280 gendarmes spécialistes répartis dans les 20 pelotons de gendarmerie « de haute montagne » et pelotons de gendarmerie « de montagne », qui sont le « bras armé » des autres acteurs pour effectuer les interventions les plus techniques. Ces gendarmes doivent avoir quatre capacités majeures : ils doivent être des montagnards de haut niveau, les deux-tiers sont d’ailleurs guides de haute montagne. Ils doivent être des secouristes, mais aussi des enquêteurs, car aujourd’hui lors de tout accident et a fortiori lors de toute catastrophe il y a immédiatement une recherche de responsabilité du guide, de l’État, du maire… Dans ce contexte, la dimension judiciaire est donc incontournable. Enfin, ils doivent être de bons gestionnaires de crise en milieu spécialisé, car il est nécessaire de fédérer l’action de l’ensemble des acteurs sur place.

En 2010 ont également été créés les GMG (groupes montages gendarmerie). Il s’agit d’environ 1 000 personnels ressources qui peuvent donner un appui technique aux PGHM et permettre de rapidement monter en puissance en nombre de personnels, notamment pour la recherche de personnes. La création des GMG est liée à des initiatives locales expérimentales de commandants de groupements, notamment en Savoie, qui ont ensuite été généralisées. Les gendarmes des GMG ne se substituent pas aux personnels des unités spécialisées, mais sont engagés, dans une logique de complémentarité.

AEF Sécurité globale : Quels sont les moyens techniques mis à la disposition de la gendarmerie en montagne ?

Hervé Renaud : En montagne, la gendarmerie dispose de onze hélicoptères (sur les 56 de sa flotte) et d’une longue expertise. Il sont un élément de sûreté essentiel, car ils permettent souvent de gagner un temps précieux dans l’intérêt des victimes. Les plus anciens ont été renouvelés récemment et remplacés par des EC145, qui permettent d’embarquer huit personnes (au lieu de seulement quatre ou cinq précédemment) et qui vont plus vite. Cette évolution technique permet de sortir d’une approche purement locale pour s’inscrire dans une logique de massif. Notre souci est d’optimiser et de rationaliser l’emploi des moyens.

AEF Sécurité globale : La gendarmerie en montagne a-t-elle été touchée par des baisses d’effectifs ces dernières années ?

Hervé Renaud : Les 20 unités spécialisées ont été préservées, car nous sommes aujourd’hui dans une logique de « juste suffisance ». Chaque homme compte. Nous sommes sur un seuil et il serait donc difficile d’aller plus bas. Ces unités sont composées de 280 spécialistes, ce qui est peu pour assurer une permanence 24 heures sur 24 heures tous les jours de l’année.

AEF Sécurité globale : Comment sont formés les gendarmes affectés en montagne ?

Hervé Renaud : La formation élémentaire des gendarmes de montagne est déconcentrée et organisée par les Centres régionaux d’instruction de ski et d’alpinisme tutorés par les PGHM, tandis que la formation supérieure est organisée par le Cnisag (Centre national d’instruction de ski et d’alpinisme de la gendarmerie). Implanté à Chamonix, le Cnisag forme des techniciens montagne de haut niveau et porte un effort particulier sur l’enseignement technique du commandement en montagne. Il a été fondé en 1988, car la gendarmerie avait besoin d’une formation adaptée à ses besoins spécifiques, notamment à sa dimension judiciaire.

Auparavant, les gendarmes étaient formés à l’École militaire de haute montagne, plus axée sur la formation de combattants en montagne. Aujourd’hui, les deux écoles ont des partenariats sur des retours d’expérience ou sur certaines formations spécifiques, mais elles ont une vocation différenciée. Au delà de ces deux centres de formation, un groupe de travail interservices consacré à la formation des différents acteurs du aux secours en montagne est actuellement en cours et devrait rapidement rendre ses conclusions, son objectif étant d’établir un référentiel commun.

AEF Sécurité globale : Quelles sont les relations des gendarmes avec les autres acteurs du secours en montagne ?

Hervé Renaud : De très bonnes relations sont entretenues avec les CRS de montagne dans les sept départements où ils sont présents. Nous y travaillons d’ailleurs en alternance et en cas d’alerte d’envergure, nos capacités agissent dans une logique de complémentarité.

S’agissant des pompiers, arrivés plus récemment dans le champ des acteurs du secours en montagne, de récents travaux placés sous l’égide du ministère de l’Intérieur ont permis de définir le rôle de chacun. C’est dans ce contexte qu’à été créé un groupe de travail en 2010, nommé « mission nationale secours en montagne », dirigée par le préfet Jean-Paul Kihl, aujourd’hui directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises. Les travaux de la mission ont abouti à la rédaction d’une circulaire ministérielle en date du 6 juin 2011. Ce document norme l’action des différents acteurs et définit dans quel cadre s’effectuent les missions de secours en montagne. Cette circulaire rappelle notamment que le secours en montagne est formalisé dans le cadre des disposition Orsec. Elle érige donc le préfet en directeur des opérations de secours en montagne et précise les conditions de désignation du Cos (commandant des opérations de secours), lequel joue un rôle central dans la préparation et la conduite des opérations. Elle rappelle par ailleurs que les moyens doivent être utilisés dans une logique de juste suffisance et définit les principes de la gestion de l’alerte et d’engagement des moyens .

Aujourd’hui, la situation se normalise dans la plupart des départements. Localement, certaines difficultés peuvent néanmoins subsister. Elles sont alors soumises au groupe technique d’appui interservices chargé de veiller au respect de l’esprit et de la lettre la circulaire.

AEF Sécurité globale : Quelles sont aujourd’hui les perspectives d’évolution pour la gendarmerie en montagne ?

Hervé Renaud : L’action de la gendarmerie en montagne se veut globale et rationnelle. S’agissant de l’assistance à personnes, notre objectif aujourd’hui est d’optimiser l’emploi des unités spécialisées dans une logique de massif montagneux et non plus dans une logique départementale. C’est notamment dans cette logique qu’ont été créés les GMG, qui constituent une variable que l’on peut projeter d’un département à l’autre. Nous souhaitons ainsi avant tout donner rapidement des capacités d’intervention significatives à un préfet et à un commandant de groupement confrontés à un évènement d’ampleur.

Nous allons par ailleurs porter nos efforts sur la gestion de crise en zone de montagne, notamment en matière de formation des officiers et gradés des unités spécialisées, appelés à exercer le commandement des opérations de secours, afin qu’ils disposent de tous les atouts pour gérer les opérations dans toutes leurs dimensions.

Dépêche n° 7500 Paris, lundi 29 octobre 2012.

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