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La veuve de l’un des trois gendarmes abattus à Saint-Just (Puy-de-Dôme) sort du silence : « On les a envoyés à la morgue »

Publié le 19/03/2021 à 17h59

La veuve de l'un des trois gendarmes abattus à Saint-Just (Puy-de-Dôme) sort du silence : "On les a envoyés à la morgue"
Trois Gendarmes abattus par un Forcene, lieu dit Le Cros commune de Saint Just, Puy de Dome le 24/12/2020 Photo R Brunel © Richard BRUNEL

Pour La Montagne, Séverine Morel a décidé de briser le silence. La veuve du Lieutenant Cyrille Morel, l’un des trois gendarmes abattus par Frédérik Limol, dans la nuit du 22 au 23 décembre dernier à Saint-Just (Puy-de-Dôme), s’est constituée partie civile pour tenter de comprendre dans quelles circonstances est mort son mari. 

Des questions, beaucoup. De la colère, surtout. Depuis le 23 décembre 2020, la vie de Séverine Morel a pris une tournure tant inattendue que tragique. Rien ne sera jamais plus comme avant pour cette mère de famille, devenue veuve de gendarme.

Ce soir-là, l’inquiétude s’installe peu à peu dans l’esprit de cette préparatrice en pharmacie. Comme une intuition, un mauvais pressentiment qui ronge le cerveau. « J’essayais de joindre mon mari par téléphone, il ne répondait pas… »

Séverine Morel se tourne alors vers le Corg (Centre d’opérations et de renseignement de la gendarmerie), afin de joindre l’un des collègues et ami du lieutenant Morel. Au bout du fil, le gendarme lui fait part d’une intervention « houleuse », au hameau du Cros, commune de Saint-Just.

« On n’est jamais préparé à ça »

L’angoisse ne cesse alors de monter. Insidieuse. Cette semaine-là, le lieutenant Morel, 45 ans, est de permanence. Il réside donc dans son logement de fonction, à Ambert, lorsque son téléphone sonne le soir du 22 décembre. Il se rend rapidement à Saint-Just, prêter main-forte à ses subordonnés, comme c’est son habitude. Avec la funeste suite que l’on connaît. 

Son épouse et leurs deux enfants, un fils de 12 ans et une fille de 15, se trouvent au domicile familial, à Chamalières. Il est deux heures du matin lorsque l’on sonne à la porte. « L’ami de mon mari était avec un lieutenant-colonel. Ils m’ont annoncé son décès. Ils sont restés longtemps chez nous. »

Le choc est terrible. Insoutenable. « On n’est jamais préparé à ça. Quand on l’apprend, on est abasourdi. » À côté d’elle, ses deux enfants sont également sonnés.

Le vide est immédiat, abyssal. Surtout pour cette famille extrêmement soudée. « Mon mari avait une relation fusionnelle avec ses enfants. Il s’occupait autant de notre intendance que du suivi scolaire. Ma fille est à l’école militaire d’Autun (Saône-et-Loire), elle voulait marcher dans les pas de son père, c’était son modèle. »

Lors du premier confinement, durant le printemps 2020, la famille avait fait le choix difficile d’une séparation géographique. « Du fait de ma profession de préparatrice en pharmacie, nous ne voulions pas prendre de risque de contamination. Les enfants sont donc allés vivre pendant deux mois à Ambert, dans son logement de fonction. Il s’en est occupé non-stop tout en continuant de travailler. On était une famille très équilibrée, on partageait beaucoup de choses, les activités artistiques, les loisirs et on était tous fans de sport. »

Cyrille Morel et Paul Piergentili, gendarmerie d’Ambert, photo d’archives.

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Aussi soudaine et brutale soit l’annonce du décès, le deuil  ne trouve sa place que dans un second temps.

Dans la foulée, les fêtes de Noël sont une véritable épreuve. « Le jour du réveillon, le 24, on est resté jusqu’à 18 heures aux pompes funèbres pour choisir son cercueil. » Mais le calvaire ne s’arrête pourtant pas là pour la veuve Morel. « Le cercueil, on m’a dit qu’il n’allait pas car le coussin où l’on devait placer sa légion d’honneur ne passerait pas… Le jour de Noël, j’ai donc dû choisir un nouveau cercueil. »

Dans leur malheur, Séverine Morel et ses enfants ne sont heureusement pas seuls. « Mes parents et mon frère habitent la région. Avec nos amis, ils nous ont bien entourés. De même que le chef d’escadron Fabrice Touioui (son supérieur). Heureusement, car sinon, je ne sais pas comment j’aurai fait. »

La douleur prendra toutefois beaucoup de temps à s’estomper. Si tant est que ce soit possible.

C’est ainsi qu’à la mi-janvier, Séverine Morel se rend au cabinet du bâtonnier Gilles-Jean Portejoie. Ensemble, ils se constituent partie civile. « J’ai décidé de me constituer pour avoir accès au dossier. On a besoin de savoir. Mes enfants me posent des questions… »

« On attend des réponses. Je ne veux pas qu’on étouffe l’affaire »

Blessée au plus profond de sa chair mais d’une dignité incroyable, Séverine Morel raconte sa peine sans trembler. Même si les larmes ne sont jamais très loin, elle veut rester debout. Déterminée à connaître la vérité. « Vient la phase de colère, on veut que les choses bougent. On n’a toujours pas de réponse, c’est insupportable. Je ne sais même pas comment, ni quand mon mari est arrivé sur place ce soir-là. On attend des réponses. Je ne veux pas qu’on étouffe l’affaire. Nous, on a le sentiment qu’on les a envoyés à la morgue. Ils savaient qu’il était armé, mais pas autant, sinon ils n’y seraient pas allés comme ça. Ils ont l’habitude, ils n’y sont pas allés la fleur au fusil. »

Séverine Morel a décidé de sortir de son silence pour ne pas qu’une telle situation se reproduise.

Mais également pour que l’on n’oublie pas ces trois gendarmes venus porter secours à une femme en détresse, un soir de décembre, avant d’être abattus du fait de la folie d’un homme surarmé. 

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Julien Moreau

Source : www.lamontagne.fr

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