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Le fiasco de Notre-Dame-des-Landes est désormais enseigné à Sciences Po

C’est une histoire folle d’urbanisme à cheval sur deux siècles. Le projet d’aéroport près de Nantes est aujourd’hui abandonné, mais le fiasco politique est devenu… un cas école. C’est Nicole Klein, ex-préfète aux manœuvres lors de l’évacuation de la Zad, qui l’enseigne.

Nicole Klein, la préfète qui a mené les opérations d’évacuation dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
Nicole Klein, la préfète qui a mené les opérations d’évacuation dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. | FRANCK DUBRAY, ARCHIVES OUEST-FRANCE

Soixante ans de polémiques stériles, six années d’occupation du site par les opposants et au final un abandon en rase campagne, suivi d’une évacuation des Zadistes en deux temps (avril et mai 2018). Le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes (Loire-Atlantique) est un gigantesque fiasco. L’ancienne préfète des Pays de la Loire, Nicole Klein, était aux premières loges. Elle enseigne aujourd’hui cette histoire folle aux étudiants de Sciences Po Paris. Pour éviter à ces futurs hauts fonctionnaires de reproduire les mêmes erreurs.

Pourquoi avoir imaginé ce parcours pour les élèves de Sciences Po ? Pourquoi l’étudier ? Pour ne pas le reproduire ?

Diplômée moi-même de Sciences Po en 1974, j’avais le souvenir de n’avoir eu aucun enseignant praticien de l’administration territoriale. Mes étudiants m’ont d’ailleurs confirmé que j’étais la seule à proposer une étude d’un cas concret et vécu. En deuxième lieu, l’histoire de Notre-Dame-des Landes est, pour reprendre le titre de Ouest-France, paru en janvier 2018, « l’histoire d’urbanisme la plus folle que la France ait connue ». Elle a commencé de se refermer avec le discours du Premier ministre, le 17 janvier 2018, qui annonçait la décision du Gouvernement de renoncer à un projet vieux de près de soixante ans.

Tous les sujets sont-ils abordés au cours de ce cursus ?

Presque tous : les grands projets d’aménagement, l’interaction public-privé avec le rôle de Vinci, le contentieux de l’urbanisme, la gouvernance du projet avec le rôle des élus locaux, de la société civile, agriculteurs comme associations environnementales, l’ordre public bien sûr et la communication de crise. Il y a en tout six séances et je leur demande même de regarder la lecture abondante pro-zadiste !

Qui sont vos élèves ?

Des futurs hauts fonctionnaires qui devront faire le mieux possible dans des contextes de plus en plus complexes où il faut tenir compte du terrain. Moi-même, je pressentais en 2000, lorsque j’étais secrétaire générale de la préfecture de Loire-Atlantique, que ce serait difficile d’obtenir l’accord de tous les agriculteurs sur une terre peuplée et cultivée. Cela fait donc le plus grand bien à mes étudiants dont un est nantais et l’autre rennais, de regarder une carte, de comprendre les enjeux agricoles et le grand projet d’aéroport du Grand Ouest.

Vous les mettez en situation ?

Je leur demande de comprendre les différents points de vue et les oblige à jouer des rôles qu’ils n’auraient pas choisis spontanément. L’une, suédoise, pro-zadiste, va se mettre dans la peau de François Fillon, d’autres dans ceux de Jean-Marc Ayrault ou de Ségolène Royal. Je leur ai conseillé de prendre contact avec un agriculteur historique, avec un zadiste, s’il accepte, et avec le directeur général de la gendarmerie nationale de l’époque, Richard Lizurey. S’obliger à envisager une problématique sous tous les angles est la manière la plus pertinente d’apprendre à regarder le monde et à agir au-delà ou en dépit de sa propre conviction.

Les élèves semblent-ils motivés par ce cursus ?

Le cours a fait plus que le plein puisque certains étudiants n’ont pu s’y inscrire. J’ai demandé aux quatorze étudiants, physiquement présents à la première séance, mardi 15 septembre, de m’expliquer pourquoi ils étaient là. Certains sont tentés par le corps préfectoral, d’autres par le métier d’officier de gendarmerie, presque tous par l’action publique. A ma grande satisfaction, lorsque j’ai réalisé un sondage d’opinion d’autant plus anonyme qu’ils sont masqués, un peu plus de la moitié étaient favorables à l’abandon du projet. D’autres ne comprenaient pas que l’État ait renoncé. Les opinions vont donc pouvoir se confronter aux faits, ce qui me semble la meilleure façon de former de futurs cadres supérieurs à réfléchir, puis à agir.

Source : www.ouest-france.fr

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