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Le - Le gendarme du Sud Nivernais ressort du tribunal sans emploi

Le gendarme du Sud Nivernais ressort du tribunal sans emploi

Photo d’illustration © LINDAUER Thierry 

En poste dans une brigade du Sud Nivernais, un gendarme, soupçonné d’avoir usé de sa position pour obtenir un avantage personnel, a été déchu de ses fonctions.

L’après-midi avait commencé sous de mauvais auspices. Dans la salle d’audience, Nicolas était en civil, seul. À quelques mètres, de jeunes gendarmes volontaires, groupés, attendaient de prêter serment devant le tribunal correctionnel. Comme il l’avait fait deux ans auparavant.

Mais ce mardi, lui n’avait pas de raison de se réjouir de sa présence au palais de justice. Il lui était reproché, alors qu’il était en poste dans une brigade du Sud Nivernais, de s’être arrangé avec la discrétion requise quant à ses missions de gendarme et d’avoir usé de sa position pour obtenir un avantage personnel.
Vie sentimentale et exercice de vie professionnelle se sont emmêlés jusqu’à produire un maelström existentiel dont il est ressorti en guenilles.

Une romance, une naissance, une paternité contestée

Une rencontre alors qu’il est en brigade en 2016, une liaison, une romance pour lui, pas vraiment partagée. Une naissance annoncée dont il se réjouit, mais dont la paternité lui est contestée. La garde de l’enfant, même alternée, n’est pas aisée.
Les relations sont si tendues que le jeune gendarme propose à un voisin de sa chérie, venu déposer plainte pour une autre affaire, de signer une déclaration certifiant que la maman est immature et pas apte à garder les enfants. Banco, accorde le voisin. Le retour de bâton consécutif à ce courrier, et à un autre, signé par une gendarme subordonnée au papa putatif, constatant que la maman s’alcoolise nuitamment, est ravageur.

La jeune femme dépose plainte, joignant quelques SMS archivés que le gendarme énamouré lui avait adressés dans les temps idylliques : l’un sur un contrôle radar en cours, l’autre sur la mort soudaine d’une connaissance commune en quasi direct. Ra-va-geur !

« C’est le problème du mélange des genres qui vous mène là, observait la présidente d’audience. Pourquoi solliciter ce voisin ?
– Pour voir ma fille !
– Vous avez cherché à monter votre dossier, constate la magistrate. Reconnaissez-vous avoir abusé de votre position de gendarme ?
– Non.
– Vous en êtes-vous servi ?
– Non, je ne vois pas les choses comme ça. Dans ma tête, ce n’est pas le gendarme qui demandait le service.
– Vous étiez en tenue pourtant !
– Ce n’était pas le gendarme.
– C’était le papa ?
– Oui, c’était le papa ! »

« Être gendarme est un métier difficile. » Compréhensives au début, les réquisitions de la procureure de la République, Alexa Carpentier n’augurent rien de bon : « Cela demande du dévouement, de l’abnégation, une certaine distance aussi. Le problème, c’est quand on mélange nos vies privées et nos vies professionnelles ! » S’adressant au prévenu les yeux dans les yeux : « Monsieur, vous n’avez pas su vous arrêter quand vous avez franchi la ligne, pour des raisons que l’on peut comprendre sur un plan humain. » Les critères du ministère public ne sont pas limités par la commisération : « Vous avez franchi la ligne à plusieurs reprises en toute connaissance de cause, et ça, c’est inacceptable ! Vous avez violé le secret professionnel à trois reprises au moins. »

Se tournant vers le tribunal, elle requérait sans surprise six mois de prison avec sursis, mais aussi ce qui s’augurait : l’interdiction définitive d’être gendarme.

Défenseur de Nicolas, Me Carole Boirin ne voguait pas contre le courant : « Je ne nierai pas qu’il y a un problème de déontologie. » Elle s’attachait plutôt – mais avait-elle d’autre choix ? – à contester en droit toutes les infractions reprochées à son client : le contrôle radar ? Il était terminé. La mort ? Elle était naturelle. Les attestations ? Elles n’ont pas fait obstacle à la loi. L’avocate plaidait la relaxe.

Le tribunal se retirait. Une demi-heure plus tard, devant un maigre public, dont la jeune femme et un gendarme en civil, missionné par sa hiérarchie pour assister à la débâcle, Nicolas était défroqué : gendarme en arrivant, chômeur en repartant.

Jean-Christophe Henriet

Sourcewww.lejdc.fr

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