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Le - Les « fonds perdus » de la vidéosurveillance

Les « fonds perdus » de la vidéosurveillance

le sénatLa commission des Finances du Sénat vient de mettre en ligne un copieux rapport sur les investissements dans la police et la gendarmerie qui tacle sévèrement la vidéosurveillance. Pour son rapporteur, le sénateur Jean-Vincent Placé, «  le mouvement de modernisation de la police et de la gendarmerie a été mené à un rythme soutenu  », mais après la période faste des lois Loppsi 1 et 2, les investissements sont désormais en baisse et obligent à des arbitrages entre les grands postes de dépense.

Le document détaille les progrès en matière de protection des personnels (habillement), d’armement et de «  saut technologique  ». Sous ce vocable, l’informatisation et les fichiers, mais aussi des réalisations comme les lecteurs automatisés de plaques d’immatriculation (Lapi), le commissariat électronique pour déposer des préplaintes en ligne, une meilleure interopérabilité des réseaux de radiocommunication ou encore la vidéosurveillance.

Celle-ci fait l’objet d’un chapitre dont l’intitulé, « La vidéosurveillance : un investissement à fonds perdus », surprend dans un rapport sénatorial. Le rapporteur insiste d’emblée sur le fait que les caméras – qu’il se refuse à qualifier de « vidéoprotection » – sont apparues « comme un axe privilégié dans la politique de sécurité », mais que «  ce type de dispositif se révèle d’un coût particulièrement élevé  ». Le rapport détaille ensuite l’aide de l’État distribuée via le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) mis en place en 2007. Se fondant sur les données – incomplètes pour les trois premières années – fournies par le ministère de l’Intérieur, le sénateur écologiste estime à 133,6 millions d’euros le montant total des sommes allouées depuis 2007 (hors Paris). Des fonds auxquels s’ajoute une enveloppe de 4 millions d’euros de crédits en provenance du « Plan de relance » initié en 2009.

On apprend ainsi qu’entre 2007 et 2012, 111,9 millions d’euros ont été consacrés à :

– 2 500 projets portés par des collectivités territoriales ou des groupements de communes, concernant l’implantation de 21 742 caméras (recensées de 2010 à 2012) ;

– 66 centres de supervision urbain (CSU) ou extension de CSU ;

– 106 déports d’images vers les services de police ou de gendarmerie.

Les 21,7 millions d’euros restants ont permis d’installer des dispositifs de vidéosurveillance chez des bailleurs sociaux, dans des établissements scolaires et des organismes de transports (pour des projets considérés comme innovants).

Sur le Web

- Le rapport du Sénat

À ces montants déjà élevés s’ajoute le cas particulier de Paris. Le rapport fait état d’un plan de déploiement massif de caméras avec 1 106 caméras de voie publique et environ 10 000 caméras de réseaux partenaires dépendant de la RATP, de la SNCF, de grands magasins ou de musées. La Mairie a opté pour un partenariat public-privé (PPP) dont le coût total sur quinze ans atteint 251,9 millions d’euros. Elle verse donc un loyer annuel qui, pour 2013, s’élève à la coquette somme de 16,5 millions d’euros.

Rappelant un rapport de la Cour des comptes de juillet 2011 qui regrettait le manque d’étude d’impact sérieuse sur la vidéosurveillance, le sénateur Placé «  déplore cet investissement d’un coût élevé dans des systèmes de surveillance potentiellement attentatoires aux libertés publiques et dont aucune étude sérieuse (ni en France ni à l’étranger) n’a prouvé l’efficacité en termes de sécurité publique  ». Et il conclut par une série de recommandations pour le moins inattendues dans un rapport sénatorial. La première propose tout simplement un moratoire sur les investissements dans l’attente d’une étude scientifique indépendante sur les apports véritables de la vidéosurveillance en termes de sécurité. La seconde vise à créer un indicateur de performance mesurant le nombre d’affaires élucidées grâce à ce type de dispositif. Et la dernière suggère de réorienter le FIPD, dont certaines années plus de 75 % des crédits sont allés enrichir les marchands de caméras, vers son « cœur de cible », à savoir les actions de prévention sur le terrain.

Source : politis www.politis.fr

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