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Le - Saint-Quentin/L’invité du mardi : « Que mon père ne soit pas mort pour rien »

Saint-Quentin/L’invité du mardi : « Que mon père ne soit pas mort pour rien »

PUBLIÉ LE 06/06/2016

Par Nasséra LOUNASSI

Le Saint-Quentinois ne veut pas que son père tombe dans l’oubli. Le nom de ce déporté a ainsi été donné à une promotion d’école de gendarmerie.

William Damien a été CRS puis conseiller municipal chargé de la Sécurité.

William Damien a été CRS puis conseiller municipal chargé de la Sécurité.

Depuis plusieurs années, William Damien, 83 ans, multiplie les actions pour honorer la mémoire de son père Marius, gendarme et résistant mort en déportation. Il y a quelques jours, le nom de son papa a été donné à la 469e promotion de l’école de gendarmerie de Chaumont, après la caserne de Valenciennes.

Comment a débuté cette histoire ?

Un jour, j’ai vu dans la revue Médaillés militaires qu’un gendarme, qui avait le même cursus que mon père et mort dans les mêmes conditions, avait donné son nom à une promotion de gendarmerie. J’ai donc téléphoné au service historique de la gendarmerie, je suis entré en contact avec un responsable de la Chancellerie qui m’a dit qu’il allait examiner ma requête. Quatre noms ont été proposés pour la promotion et les élèves ont retenu celui de mon père.

La cérémonie s’est déroulée le 27 mai dernier. Quels souvenirs en gardez-vous?

Je n’ai pas vu la journée passer. Même s’il faut bien avouer que j’ai été un peu secoué. Voir le portrait de mon père affiché dans la salle d’honneur de l’école de Chaumont et tous ces élèves qui venaient me voir pour en savoir davantage à son sujet, ça fait quelque chose.

Parlez-nous un peu de votre papa. Il a été déporté à deux reprises, c’est bien cela ?

Oui. Il a été arrêté une première fois par les Allemands en février 43. Il se trouvait alors en compagnie de l’adjudant Senepart, qui est mort sous la torture. Ils étaient un groupe de huit. Mon père a été emprisonné à la prison de Loos. Après quarante-cinq jours, il a été libéré. Il s’est fait reprendre le 26 août 1944, le jour de la libération de Paris et il n’est jamais revenu.

C’est la dernière fois que vous l’avez vu ?

Non. J’avais 12 ans à cette époque-là. On habitait la brigade de gendarmerie de Denain. Ce 26 août, l’adjudant-chef a envoyé quatre gendarmes à la Kommandantur. Les trois autres ont été relâchés sauf mon père. On nous a dit à ma mère et moi qu’on pouvait aller le voir le samedi matin. Il était dans un bureau avec deux officiers. On a parlé un peu avec lui puis on est reparti à pied en empruntant la rue principale de Denain. À ce moment-là, j’ai vu mon père assis à l’arrière d’une voiture, encadré par deux personnes. Il a baissé la tête pour me faire signe avec le bras gauche, c’est la dernière fois que je l’ai vu.

Que s’est-il passé ensuite ?

Le 1er septembre, les Allemands ont senti le vent tourner. Ils ont libéré les prisonniers de droit commun, mais ont gardé les résistants. Ils ont été emmenés dans un wagon à bestiaux, direction le camp de Sachsenhausen. Au bout de quarante jours, mon père a été désigné pour aller à Neuengamme, à 15 km au sud d’Hambourg. Il y faisait un froid de canard, il n’avait rien dans le ventre. Il est décédé le 4 janvier 1945.

Quel a été son rôle au sein de la Résistance ?

Il aidait des parachutistes, qui avaient réussi à s’extirper d’avions abattus, à se rendre en Angleterre. Un soir d’ailleurs, il avait ramené un déserteur alsacien à la brigade. Lorsque mon père a été arrêté, on s’est dépêché de faire disparaître son paquetage.

Vous êtes également pas mal impliqué dans l’Amicale du train de Loos…

J’ai rejoint l’association pour les déportés de Loos il y a quarante ans. J’en suis l’administrateur depuis cinq ans. J’ai fait éditer une plaque à la mémoire des déportés du train de Loos, qui a été installé au monument de la Résistance à Saint-Quentin. Et en 2013, Xavier Bertrand m’a accordé qu’un carrefour de Saint-Quentin soit également baptisé.

Le nom de votre papa sera également donné à une rue de Denain…

Oui, tout à fait. Je ne sais pas encore quand, cela dit. Je vais par ailleurs constituer un dossier pour que mon père soit décoré à titre posthume de la Légion d’honneur pour les résistants valeureux. Je veux qu’il ait tout, qu’il ne soit pas mort pour rien !

Sourcewww.aisnenouvelle.fr

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