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« Les pilleurs volent notre mémoire collective »… Sur la trace des détectoristes qui ravagent les sites archéologiques

REPORTAGE Les gendarmes pistent les détectoristes de métaux sur les sites historiques

Caroline Delabroy Publié le 24/09/22 à 10h32

 Alexandre Dumont-Castells, gendarme et docteur en archéologie, pointe la trace d'un pillage
Alexandre Dumont-Castells, gendarme et docteur en archéologie, pointe la trace d’un pillage — C.Delabroy/20 Minutes
  • Le groupement de gendarmerie des Bouches-du-Rhône est formé à reconnaître les traces de pillage archéologique.
  • En moins d’un mois, sur le site d’une ferme-grenier datant de l’âge de fer, sont apparues trois marques de fouille sauvage.

La pente est raide. Il faut laisser le véhicule de gendarmerie à mi-chemin et terminer à pied pour rejoindre ce site archéologique situé sur un éperon rocheux, d’où l’on domine l’étang de Berre. « Ce n’est pas du sanglier », lâche d’emblée Alexandre Dumont-Castells en apercevant, aux abords du site, un large trou de forme circulaire. Docteur en archéologie et gendarme affecté à la brigade territoriale de Lançon-de-Provence, il fait partie des référents régionaux de la lutte contre le pillage archéologique. Et cela ne fait pas de doute pour lui : la trace est celle d’un détecteur de métaux, la signature des pilleurs de patrimoine.

« Depuis notre denier passage, il y a un mois, je relève trois nouvelles excavations, le pillage malheureusement continue », se désole le gendarme. Sur place, aucun panneau ne mentionne l’importance historique de ce lieu datant de l’âge de fer, bien connu néanmoins des amateurs de chasses au trésor. « Il s’agit d’une ferme-grenier gauloise du Ve siècle avant J-C, en partie fortifiée », explique Alexandre Dumont-Castells. Une quarantaine de personnes vivaient probablement sur ce site, dont les capacités de stockage étaient importantes : les fouilles entreprises au début des années 1990 relèvent les traces d’une cinquantaine de grandes jarres, qui contenaient essentiellement de l’orge. Un incendie a mis fin, vers l’an – 420, à l’occupation du lieu.

Un préjudice annuel de 3 millions d’euros

« Il n’y a pas vraiment de moyen en rase campagne de lutter contre les pillages, si ce n’est montrer que nous sommes vigilants », reconnaît le gendarme, pour qui cette lutte s’apparente d’abord à un long travail de pédagogie. « La ressource archéologique n’est pas une ressource renouvelable, rappelle-t-il. En détruisant le contexte archéologique, les pilleurs volent notre mémoire collective. Souvent, le contexte en dit plus sur l’histoire que l’objet lui-même trouvé. Si vous sortez par exemple une boucle en argent à côté des restes d’un harnais, vous détruisez probablement une nécropole où un Viking est enterré avec son cheval. »

Chaque année, une vingtaine de faits de pillage archéologiques sont instruits dans la région, pour un préjudice évalué tout de même à 3 millions d’euros, avec notamment la revente sur Internet des pièces de monnaie, fibules (accessoire vestimentaire) et autres objets gaulois trouvés. Le travail sur les réseaux sociaux constitue d’ailleurs l’un des axes principaux d’investigation. Pas facile en effet de saisir sur le fait des détectoristes de métaux, même s’ils agissent souvent le week-end et en journée. « Il y a des vestiges visibles comme celui-ci mais les trois quarts des pillages se font sur des sites qui ne sont pas connus », explique Alexandre Dumont-Castells. Souvent, les signalements de fouilles sauvages sont rapportés par des randonneurs.

Pour les trois nouvelles traces autour de la ferme-grenier de Coudounèu, un « signalement administratif » va être fait auprès du service régional de l’archéologie. A ce stade, étant donné le peu d’éléments matériels, l’ouverture d’une enquête n’est en effet pas d’actualité. Ces observations enrichissent cependant une base de données qui peut se révéler utile le moment venu. « C’est un petit milieu où tout le monde se connaît, ce sont des profils plus faciles à cerner que dans le trafic de stupéfiants, avance Alexandre Dumont-Castells. En général, ce sont souvent des primo-délinquants. Ils disent honnêtement où ils ont fouillé, et on peut alors faire des recoupements avec la base que l’on a renseignée. » Davantage que la peine qu’ils encourent, les pilleurs se soucient d’abord de savoir si le détecteur de métaux va leur être rendu. Un autre trésor à leurs yeux.

Source : www.20minutes.fr

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