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« Une intervention marquante » : l’un des négociateurs intervenu à Parentis pour un homme monté en haut d’une grue raconte

De Lise Dussaut

Dimanche 24 mars 2024 à 17:08

Il est l’un des deux négociateurs intervenus samedi 16 mars à Parentis-en-Born, dans les Landes, pour venir en aide à un homme monté en haut d’une grue et qui menaçait de sauter. L’adjudant Stéphane revient sur cette intervention marquante ainsi que sur son métier.

Les deux négociateurs sont montés dans la nacelle de la grande échelle des pompiers, à 25 mètres de hauteur.

Il le dit, cela a été parmi les interventions les plus marquantes de sa carrière. Samedi 16 mars, l’adjudant Stéphane, 49 ans, est venu en aide à un homme qui menaçait de sauter dans le vide depuis le haut d’une grue à Parentis-en-Born (Landes). Quatorze ans qu’il exerce cette spécialité de négociateur, au sein de la gendarmerie. Il est même le responsable de l’équipe de négociateurs en Aquitaine. En tout, ils sont 16. L’adjudant Stéphane revient sur cette intervention singulière et plus largement sur son métier. Aux différentes missions. Ce sont aussi eux qui forment les élus pour réagir en cas d’incivilités, de violences.

Pouvez-vous d’abord nous raconter comment s’est passée cette intervention à Parentis ?

C’est une intervention un peu particulière techniquement. Quand vous avez un individu qui a une telle hauteur, à 30 mètres, surtout en plein centre ville, c’est pour nous un défi technique, ne serait-ce que pour communiquer avec la personne.

Elle était donc en haut d’une grue. Comment vous avez fait pour communiquer avec elle ? Vous n’êtes pas monté tout en haut…

Non effectivement nous n’avons pas la vocation à être breveté escalade. Nous travaillons toujours en sécurité. Ici on a donc profité des moyens des pompiers pour bénéficier de l’accès au camion avec la nacelle télescopique. Cela a pu nous monter à 25 mètres de haut. Sachant qu’il nous restait encore cinq mètres par rapport à la personne. Là, on a pu échanger, communiquer.

Et là, très concrètement, quand le dialogue s’engage, en quoi consiste votre travail ?

Tout est basé sur des techniques de communication. On garde un petit peu le secret parce que sinon cela trahirait un petit peu l’efficacité. Ce sont des techniques de communication qui sont utilisées depuis des années. Elles ont fait leurs preuves dans plusieurs cas difficiles : des prises d’otages, des forcenés, des retranchés, des suicidaires. C’est une manière de communiquer avec une personne pour essayer d’apaiser le climat et de trouver une issue.

Pour être négociateur, vous avez reçu une formation du GIGN (Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale). Comment cela se passe-t-il ?

Vous avez pas mal de tests à passer, notamment des tests psychologiques. Ce que l’on cherche en l’occurrence, c’est des profils psychologiques qui correspondent à nos futures missions, à ce que l’on va nous demander de faire. Donc forcément, vous vous doutez bien que l’on va chercher des gens qui sont à l’aise avec la communication, un certain sens de l’empathie, c’est important. Il y a à peu près deux ou trois barrages. Ensuite, on part au GIGN pendant quinze jours. Nous sommes formés sur des techniques de communication, des exercices pour nous mettre en situation sur des événements qui peuvent se rapprocher fortement de ce qui va se passer. Même si cela reste des exercices, le palpitant monte très vite, il y a un stress à gérer. Et ce sont des éléments que l’on surveille.

Sur quels types d’interventions êtes-vous appelés ?

On intervient lorsque la situation est déjà très dégradée, malheureusement souvent pour des gens suicidaires. C’est une grosse partie de notre travail. L’autre part importante, ce sont les personnes retranchées, forcenées. Ensuite, il y a du multi-facteurs. Vous pouvez aussi intervenir sur des choses beaucoup plus graves, comme des prises d’otages ou des rétentions familiales. En fait, nous sommes les premiers à intervenir, même si l’on peut être rejoint, si la situation le nécessite, par le GIGN par exemple, qui peut prendre la main sur l’intervention. Chaque année, nous en avons à peu près une cinquantaines. Il y a d’ailleurs une notable recrudescence. Tous les ans, cela va crescendo. Il y a deux facteurs. La négociation a de bons résultats, donc on fait de plus en plus appel à nous. Parallèlement, il y a aussi une augmentation des gens qui passent à l’acte.

L’issue a été favorable en ce qui concerne votre intervention à Parentis. Cela vous est-il déjà arrivé que cela ne soit pas le cas ?

Cela peut arriver oui. On a en face de nous des gens qui sont dans une crise – une crise suicidaire ou bien un forcené, quelqu’un qui a déjà fait des choses graves et qui a décidé de se renfermer chez lui, en attendant les gendarmes. Vous avez des gens qui se retrouvent dans une situation de crise déjà très dégradée, bien engagée et malheureusement quelquefois on n’arrive pas à reprendre le dessus. Ce ne sont pas les techniques qui ne marchent pas, nos techniques fonctionnent. Mais parfois le point de non-retour a été atteint. La personne a déjà fait son choix. C’est déjà arrivé à quelques négociateurs malheureusement d’avoir un échec sur une personne suicidaire.

Votre métier est pesant psychologiquement. Vous devez sûrement le ramener à la maison. Comment cela se passe-t-il pour vous ? Avez-vous un suivi ?

Cela n’est pas quelque chose de facile, effectivement. On peut ramener des images difficiles, des tensions à la maison, des regrets, quand vous avez une négociation qui dure plusieurs heures par exemple. On a déjà fait des négociations de 24/48 heures, avec des gens qui avaient commis des homicides. Nous, en tant que négociateurs, on a des profils particuliers, on est entraînés pour cela. Entre nous, on est aussi capables de détecter, de débriefer une situation grave. Cela permet d’apaiser et d’éviter de ramener trop de choses et de servir un petit peu d’éponge. On n’a pas de suivi particulier non. La psychologie est souvent présente mais on est très loin d’être psychologue ou psychiatre, cela n’est pas du tout cela un négociateur. On baigne un petit peu autour et voilà. Enfin, en tant que responsable, après une intervention un peu délicate, je peux me permettre d’appeler le négociateur pour débriefer avec lui et vérifier que tout va bien.

Source : www.francebleu.fr

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