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Le - Cambriolages en série : un an après son démantèlement, le réseau bulgare à la barre

Cambriolages en série : un an après son démantèlement, le réseau bulgare à la barre

L’opération de gendarmerie menée à Toulouse en mars 2015.

Seize prévenus, 133 faits de vol aggravés et plus d’une centaine de victimes, 63 communes dans 15 départements ciblées par les raids nocturnes du réseau bulgare (*), 936 objets retrouvés à l’issue des perquisitions… : c’est un procès-fleuve qui s’ouvre aujourd’hui et jusqu’au 25 mars devant le tribunal correctionnel de Tulle.

Des raids nocturnes via les autoroutes

Un an après la vaste opération pilotée par les gendarmes de la section de recherches (SR) de Limoges qui a permis, le 17 mars 2015 à Toulouse et Montauban, de porter un coup d’arrêt au réseau de cambriolages, les magistrats vont retracer la carte des multiples vols, commis dès l’été 2014 et jusqu’au démantèlement de l’organisation dans des communes situées le long de plusieurs tracés autoroutiers.

 L’A20, principalement, mais aussi l’A89, l’A64 et l’A62 étaient empruntées par les malfrats pour rapidement atteindre leurs destinations depuis Toulouse. Chez des particuliers, mais aussi dans des locaux municipaux, à la faveur de la nuit, ils ciblaient essentiellement du matériel de bricolage et d’entretien : mallettes d’outils, tronçonneuses, compresseurs, débroussailleuses, perceuses… Un butin de 936 objets était retrouvé, voilà un an, à l’issue des perquisitions.

Quelques mois plus tôt, c’est en Corrèze que l’affaire judiciaire débutait à la réouverture de la juridiction, en septembre 2014. Le parquet de Tulle était alors avisé par la brigade de recherches de plusieurs dossiers avec des points communs. « Il s’agissait d’une vingtaine de faits, pour lesquels les gendarmes font état de similitudes », explique Agnès Auboin, procureur de la République, qui évoque le début de patientes investigations d’abord conduites par le parquet, puis, dès décembre 2014, confiées à un magistrat instructeur.

À l’ouverture du procès aujourd’hui et dans les jours qui vont suivre, les juges vont analyser les faits, mais aussi aborder la personnalité des seize auteurs présumés, âgés de 20 à 60 ans. Ces derniers, qui devront répondre de leur implication dans les multiples cambriolages, vivaient dans deux squats de Toulouse, là même où les butins étaient ramenés au retour des raids. Le tribunal devra ainsi définir les rôles de chacun et apprécier pour qui le chef d’association de malfaiteurs pourra être retenu.

Mises sur écoute, vidéos, traces ADN…

Car il s’agit, selon l’épais dossier d’instruction, d’un réseau organisé avec son mode opératoire spécifique. Écoutes téléphoniques, vidéos, traces ADN retrouvées sur certains lieux de cambriolages… : « Des rapprochements ont pu être effectués à la fois sur le mode opératoire, mais aussi des concordances de temps et de lieux observées. Ce qui nous a permis d’attribuer ces cambriolages à un groupe organisé et itinérant », indiquait au lendemain du coup de filet Philippe Coué, commandant de la SR de Limoges.

Les prévenus, parmi lesquels un homme de 45 ans soupçonné d’être à la tête du réseau, devront répondre de 133 faits de vol (le 134e étant l’association de malfaiteurs). « La juridiction a été particulièrement mobilisée, de même qu’un certain nombre d’enquêteurs sur la procédure d’instruction. Ce procès, qui intervient un an seulement après les interpellations, marque, quel qu’en soit le résultat, l’investissement des magistrats et fonctionnaires », insiste le procureur de la République.

(*) Principalement la Corrèze et la Haute-Vienne (respectivement 19 et 10 communes concernées), mais aussi la Creuse (3), le Puy-de-Dôme (1), l’Indre (4), le Lot (6), le Lot-et-Garonne (3), le Tarn-et-Garonne (2), les Hautes-Pyrénées (4), les Pyrénées-Atlantiques (1), le Gers (3), la Haute-Garonne (2), l’Aveyron (2), la Gironde (2), l’Hérault (1).

L’association de malfaiteurs au cœur du procès
L’un des grands enjeux du procès sera d’établir le rôle exact pour chacun des seize prévenus. Si un certain nombre d’éléments procéduraux laisse à penser qu’il s’agit bien d’un réseau de cambriolage constitué et organisé, la défense devrait s’attacher à battre en brèche le chef d’association de malfaiteurs, un délit puni jusqu’à 10 ans d’emprisonnement.

Installés depuis 2013 pour les plus anciens dans deux squats toulousains, les membres présumés de ce réseau devraient, avec leurs avocats, opposer à la barre l’argument de la précarité et de la nécessité de commettre des larcins pour survivre. Un conseil indiquait à ce sujet : « Pour moi, il s’agit du procès de la misère. Il y a les exploités et ceux qui tirent les ficelles au-dessus. Les questions qui vont se poser pour certains, c’est : avaient-ils le choix ? Y a-t-il eu enrichissement ? »

La chronologie des faits :

Juillet et août 2014. Les gendarmes de la brigade de recherches de Tulle enquêtent sur des cambriolages commis sur la juridiction.

Septembre 2014. À la réouverture du TGI, le parquet est informé d’un ensemble de faits comportant d’importantes similarités. Le procureur de la République poursuit la piste d’un réseau et intensifie les investigations.

Décembre 2014. Tandis que de nouveaux vols sont commis, le parquet saisit le magistrat instructeur le 1er décembre. Vu l’étendue géographique qui excède désormais les limites du Limousin et la complexité croissante de l’enquête, la section de recherches (SR) de Limoges est saisie le 9 décembre. De 30 faits, le dossier s’épaissit à 90, puis à 133 faits.

Mars 2015. Le 17 mars 2015, après de nombreuses et patientes investigations, la SR de Limoges réalise un coup de filet dans deux squats situés à Toulouse et une maison de Montauban. Les militaires, qui vont mettre la main sur une partie du butin, procèdent à 14 interpellations. Deux autres auront lieu entre juin et septembre. Les 16 hommes, de nationalité bulgare et âgés de 20 à 60 ans, sont mis en examen et placés et détention provisoire.

Mars 2016. Moins d’un an après la vaste opération d’interpellations, qui a mobilisé 250 gendarmes, le procès s’ouvre ce lundi 14 mars, pour deux semaines, devant le tribunal de grande instance de Tulle.

Julien Bachellerie
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