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Le - Les gendarmes mobiles basés à Lucé sont rentrés de mission en forêt tropicale

Interview

Les gendarmes mobiles basés à Lucé

sont rentrés de mission en forêt

tropicale

L’escadron de gendarmerie mobile d’Eure-et-Loir est en mission extérieure toute l’année. Dernière en date, cinq mois en forêt tropicale de Guyane. Mission périlleuse : « Car l’orpaillage clandestin est presque industriel, très organisé ».

Les gendarmes mobiles de l’Eure-et-Loir, reconnaissables avec leurs galons jaunes, sont revenus à la caserne Dupré, à Lucé, en mai. De retour d’une mission périlleuse en Guyane, et avant de rejoindre des départements côtiers, le chef des mobiles, le capitaine Romain Renou, 27 ans, se confie sur leur métier.

« La forêt est pleine de cicatrices avec un sol totalement retourné »

Comment s’est déroulée votre mission en Guyane ? Soixante-douze gendarmes mobiles ont été détachés du 26 janvier au 2 mai pour renforcer les unités territoriales. Après des missions de surveillance, nous avons basculé dans la crise sociale guyanaise avec des blocages routiers et des problèmes de ravitaillement. Nos consignes étaient de veiller au bon déroulement des négociations avec les manifestants très structurés, et de protéger les bâtiments publics, et le centre spatial.

« Tant qu’il n’y a pas d’infractions majeures, il a une volonté de tempérer le climat ambiant. »

Qui décide d’intervenir le cas échéant ? Les autorités lorsqu’elles sont présentes. Tant qu’il n’y a pas d’infractions majeures, il a une volonté de tempérer le climat ambiant. Mais en cas de danger, on se doit de réagir en temps réel. J’engage ma responsabilité en prenant la décision d’intervenir.


Avez-vous mené des opérations contre l’orpaillage en Guyane ? Avec l’armée de terre, nous avons traqué les orpailleurs illégaux au cœur de la jungle tropicale. Notre objectif était de détruire les sites d’orpaillage.

« Le trafic d’or a une influence sur la nature, car ils utilisent du mercure, déversent de l’huile et manipulent du carburant qui pollue les sols et l’eau »

C’est également un enjeu environnemental ? Le trafic d’or a une influence sur la nature, car ils utilisent du mercure, déversent de l’huile et manipulent du carburant qui pollue les sols et l’eau. Sans parler de la toxicité du plomb de leurs munitions. La forêt est pleine de cicatrices avec un sol totalement retourné.

Leur localisation est-elle difficile ? Oui, car l’orpaillage clandestin est presque industriel, très organisé. Ils ont un réseau d’observateurs répartis le long des fleuves, muni de radios. Les camps avertis sont capables de cacher le matériel le plus précieux en quelques minutes. Ils innovent sans cesse dans la dissimulation. Et ils possèdent des équipes de soutien logistique. On trouve de tout dans la jungle, de l’alimentaire, de l’électronique, de la drogue, des armes et même du trafic d’êtres humains, notamment de la prostitution et des proxénètes très structurés.

« L’or se vend 40 € le gramme »

Qu’avez-vous saisi ou détruit ? Plus de 15.000 litres de carburant, dix tonnes de nourriture, des centaines de munitions, des armes, plus de 50 grammes de mercure et 600 grammes d’or. L’or se vend 40 € le gramme.

Quels sont les moyens utiles pour enrayer ce phénomène d’orpaillage ? Les toucher au portefeuille. On a saisi des pirogues en bois et en alu qui ont été attribués à nos unités. On s’est emparé de moteurs de hors-bord de 200 cv ! Ces moteurs sont d’une utilité multiple. En explorant la forêt, nous avons aussi saisi des quads.


Ces opérations sont-elles dangereuses ? Des soldats sont décédés ici en 2008. Dans cette jungle, on peut croiser des bandes organisées, armées. La forêt équatoriale, c’est 8 millions d’hectares, soit 95 % de la superficie du territoire guyanais. Ils ont l’avantage du terrain. Malgré tout, on parvient à les débusquer.

« La température peut atteindre 35°, mais c’est surtout le taux d’humidité qui est énorme »

Comment vous adaptez-vous au climat ? La température peut atteindre 35°, mais c’est surtout le taux d’humidité qui est énorme. L’adversaire est habitué. La végétation constitue un rideau vert impressionnant sans visibilité, avec de nombreux cours d’eau qui ralentissent la progression, comme les grands dénivelés. Il pleut très souvent. Il faut supporter de nombreux paramètres physiques et psychologiques. Parfois, nous sommes projetés par hélicoptère pour surprendre l’adversaire.

La nature est également hostile… On doit éviter de contracter des maladies comme le paludisme, le virus zika et le chikungunya. Un militaire s’est fait mordre par une chauve-souris susceptible de véhiculer la rage. On se méfie du serpent fer de lance, dont la morsure est mortelle. Et il y a des dizaines de plantes toxiques. Mais nous sommes tous formés aux aspects sanitaires. Nous possédons des trousses de secours adaptées à ce milieu. Ces connaissances ont permis à des mobiles de sauver un homme, en ville, qui se vidait de son sang après une grave blessure.

Comment est vécu l’éloignement des familles ? Les épouses ont beaucoup de mérite de gérer l’absence du conjoint, leur travail, les enfants et le stress des missions. À une époque, c’était plus difficile avec l’échange de courriers et la queue à la cabine téléphonique. Aujourd’hui, le téléphone portable maintient le lien familial et atténue un peu l’absence de 200 jours par an.

« Notre savoir-faire est reconnu dans le monde » 
Les gendarmes mobiles d’Eure-et-Loir sont sollicités sur de multiples interventions tout au long de l’année, autour du maintien ou du rétablissement de l’ordre. « On renforce aussi les gendarmeries départementales dans un cadre de sécurisation et de lutte contre la délinquance », précise le capitaine Renou : « En 2016 par exemple, nous avons surveillé le site de l’Eurotunnel de Calais sur la problématique migratoire, patrouillé à un festival de Loire-Atlantique, sécurisé des manifestations événementielles à Paris, assuré la protection du Palais de Justice et escorté des détenus. Et nous protégeons des sites sensibles comme des ambassades. Nous sommes aussi sollicités sur des opérations extérieures aux côtés des armées. On agit sur un spectre large. Nous avons également des partenariats avec des unités spécialisées étrangères dans le domaine de la formation. Car notre savoir-faire est reconnu, et apprécié, dans le monde ».

En chiffres :

66 Les gendarmes mobiles en Eure-et-Loir existent depuis 1951.

115L’effectif maximum de gendarmes mobiles à Lucé.

Thierry Delaunay
thierry.delaunay@centrefrance.com

Source : www.lechorepublicain.fr

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